L'Épopée des musiques noires

<p>Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, L’épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du 20ème siècle : La Black Music !  À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui. Réalisation : Nathalie Laporte. *** Diffusions le samedi à 13h30 TU vers toutes cibles, à 21h30 sur RFI Afrique (Programme haoussa), le dimanche à 17h30 vers l'Afrique lusophone, à 18h30 vers Prague, à 21h30 TU vers toutes cibles. En heure de Paris (TU +1 en grille d'hiver).</p>

Hommage à Jimmy Cliff

Le 24 novembre 2025, le chanteur jamaïcain Jimmy Cliff disparaissait à l’âge de 81 ans. Si sa notoriété explosa grâce au titre «Reggae Night» en 1983, il serait injuste de réduire son aura planétaire à cette simple bluette fort bien ficelée. Jimmy Cliff fut un auteur, compositeur, interprète de renom qui parvint à sortir du cadre stylistique de ses contemporains sans jamais trahir ses convictions artistiques, ni les musicalités traditionnelles de sa terre natale. Lorsqu’il naît en juillet 1944, la Jamaïque est encore sous domination britannique. Ce n’est qu’au tournant des années 60 que James Chambers (son vrai nom) se sentira pousser des ailes quand la jeune nation indépendante autorisera la libre expression de plusieurs formes d’expression dont le ska qu’il écoutera avec gourmandise mais c’est un film qui le révélera au grand public. «The harder they come» de Perry Henzel mettra en scène un acteur de 28 ans qui signera également la bande son du long métrage. Jimmy Cliff brille subitement dans le feu des projecteurs et son nom résonne jusqu’aux États-Unis. Cette première étape vers le succès international l’incite à multiplier les prestations au-delà de l’espace caribéen. Il se rend au Nigeria pour la première fois en 1974. Acclamé à son arrivée par des milliers d’admirateurs, il finira son séjour en prison après une altercation avec un promoteur véreux l’ayant accusé de ne pas avoir honoré son contrat. Qu’importe ses déboires, Jimmy Cliff reviendra souvent sur le continent africain et se produira au Sénégal, en Gambie, en Sierra Leone, au Ghana, en Zambie, en Afrique du Sud, etc. sans jamais omettre de transmettre des messages clairs aux pouvoirs autocratiques. Artiste libre, il déroutera parfois ses plus fervents disciples en s’autorisant des pas de côté discographiques. L’un des exemples marquants fut sans nul doute l’album Fantastic Plastic People en 2002 dans lequel il s’illustra aux côtés de personnalités très diverses, de Sting à Wyclef Jean, d’Annie Lennox (Eurythmics) à Joe Strummer (The Clash) ou encore Kool & the Gang. Ce curieux attelage ne manqua pas de susciter quelques commentaires acerbes de la part de fans un poil décontenancés. Jimmy Cliff fit fi de ces remarques peu amènes et poursuivit son exploration débridée de tous les accents musicaux que le reggae peut nourrir. Il faudra attendre «Rebirth», dix ans plus tard, pour retrouver un Jimmy Cliff résolument tourné vers le patrimoine sonore de sa jeunesse. Cette grande figure de «L’épopée des Musiques Caribéennes» vint plusieurs fois s’exprimer sur nos ondes. Nous lui rendons hommage aujourd’hui en l’écoutant se raconter, à travers les décennies, grâce à nos archives précieusement conservées. ⇒ Le site de Jimmy Cliff. Titres diffusés cette semaine : - « Hurricane Hattie » par Jimmy Cliff (1962) - « Many Rivers To Cross » par Jimmy Cliff (1969) - « You Can Get It If You Really Want » par Jimmy Cliff (1972) - « The Harder They Come » par Jimmy Cliff (1972) - « Reggae Night » par Jimmy Cliff (1983) - « Fantastic Plastic People » par Jimmy Cliff (2002) - « No Problem, Only Solutions » par Jimmy Cliff (2002) - « One More » par Jimmy Cliff (2012) - « Ship Is Sailing » par Jimmy Cliff (2012) - « Bridges » par Jimmy Cliff (2022).

12-06
28:59

La grandeur d’âme de Denise King

Bien connue des amateurs de jazz parisiens, Denise King est une chanteuse américaine de grande valeur qui ne se contente pas de livrer des prestations toujours frissonnantes. Elle œuvre pour le bien-être de ses contemporains en multipliant à Philadelphie, sa ville natale, les actions caritatives. Il paraissait logique que son dernier album People Get Ready appelle à un sursaut citoyen à travers une relecture inspirée de grands classiques engagés. Alors que la résignation semble l’emporter face aux défis de notre XXIè siècle, certaines voix continuent de défendre un idéal de justice, de paix et de tolérance. Denise King fait partie de ces rares interprètes à défier l’apathie en s’exprimant ouvertement sur les dérives et dangers de notre époque. En revitalisant les œuvres immortalisées jadis par ses aînés, elle redonne à ses auditeurs le goût de la contestation positive, de la résilience active. Il faut du caractère pour s’emparer du patrimoine de Nina Simone, Abbey Lincoln, Edwin Hawkins ou Curtis Mayfield. Denise King en a et le prouve sur ce nouvel album pétri de messages vibrants à méditer. Bien qu’elle se délecte de longue date du swing de ses grandes consœurs, Denise King n’hésite pas pour autant à se plonger dans des univers sonores plus périlleux comme le rock de U2 dont elle adapte avec brio l’hymne «Pride in the name of love». Elle s’amuse également à triturer avec le plus grand respect une poésie de Bob Dylan, «Gotta serve somebody». Femme téméraire, Denise King a suffisamment écumé les scènes internationales pour s’autoriser quelques audaces musicales sans trahir l’intention originelle. Ainsi, People Get Ready ranime le discours des combattants de la liberté dont elle perçut certainement l’écho toute gamine quand les grands orateurs d’antan défendaient les droits civiques aux États-Unis. Alors que la société américaine s’interroge sur son avenir, alors que les bruits de bottes s’intensifient chaque jour, alors que les propos radicaux agitent les esprits, la voix de Denise King suscite l’examen de conscience et invite à relever la tête. «Il n’y a pas de fatalité», semble-t-elle marteler dans ce disque utile et revigorant. Il suffit d’écouter «Why can’t we live together» emprunté à Timmy Thomas pour ressentir son exaspération et comprendre son désir de bousculer les certitudes. Denise King est une femme de cœur qui n’a jamais baissé les bras. À nous de la suivre à présent dans son combat pour un monde plus juste et équilibré. ⇒ Site internet - Denise King.   Titres diffusés cette semaine : - «You gotta move» par Denise King, extrait de People Get Ready (Jazzbook Records)- «War» par Denise King, extrait de People Get Ready (Jazzbook Records)- «Throw it away» par Denise King, extrait de People Get Ready (Jazzbook Records)- «People Get Ready» par Denise King, extrait de People Get Ready (Jazzbook Records).

11-29
28:59

DK Harrell peut remercier B.B King

À seulement 27 ans, le bluesman afro-américain DK Harrell fait sensation chaque fois qu’il se produit sur scène. Nourri par les albums du regretté B.B King, il revitalise l’esprit de son illustre aîné en mâtinant son propre répertoire d’une vigueur époustouflante. Son deuxième album Talkin’ Heavy confirme son immense talent décelé en 2023 sur The Right Man. De passage en France pour quelques prestations attendues, le jeune prodige s’est confié à notre micro. Natif de Ruston en Louisiane, DKieran Harrell a en lui la sève cosmopolite de cet État multi-ethnique qui a vu passer des milliers de migrants, esclaves, simples voyageurs, en quête d’une terre clémente. Il sait ce que cette région a apporté au rayonnement culturel des États-Unis à travers la planète et défend fièrement le vocabulaire blues qu’il maîtrise à la perfection. Il faut dire que cette forme d’expression a éveillé son esprit dès l’âge de 2 ans quand il entendit, dans la voiture de son grand-père, «The thrill is gone» extrait de l’album Deuces Wild du Roi, B.B King. L’impact de cette musique sur le bambin qu’il était à l’époque fut déterminant. Sans qu’il put comprendre l’émotion qui le faisait frissonner, son destin était tout tracé. Malgré les réticences d’un père qui l’imaginait footballeur, le jeune DK Harrell parvint au fil des mois et des années à s’emparer d’une guitare. Aujourd’hui, DK Harrell virevolte sur les scènes internationales et profite de cette exposition médiatique pour transmettre des messages car, non content d’être un fin instrumentiste, ses talents de chanteur sont indéniables. Talkin’ Heavy est donc l’occasion de se révéler et d’exposer au grand jour ses préoccupations. Comme nombre de ses contemporains et amis, il milite pour un monde ouvert, inclusif et généreux. Les divisions l’ennuient profondément. Le blues n‘est pas seulement l’écho d’un lointain passé. Il conte notre époque, ses défis, ses enjeux, ses ambitions. Respecter la tradition des aînés est, certes, une exigence mais il faut savoir actualiser ce discours pour que l’histoire se conjugue aussi au présent. DK Harrell a la chance de faire partie d’une génération de virtuoses qui redessine les contours du blues. Ses homologues, Stephen Hull, Christone «Kingfish» Ingram, Sean McDonald, Jontavious Willis, Jerron Paxton, écrivent sous nos yeux un nouveau chapitre de «L’épopée des Musiques Noires». Sauront-ils tirer profit de cette complicité créative qui les anime ? Nous pouvons, en tout cas, déjà ressentir l’effervescence qui accompagne leur développement artistique et la pertinence de leur propos. Leur XXIè siècle paraît sombre et inquiétant, mais il émane de tous ces nouveaux venus une acuité confiante du quotidien qui laisse entrevoir une réelle prise de conscience et une remarquable maturité. DK Harrell, comme ses camarades bluesmen, fait preuve de sagesse et ne se laisse pas effrayer par les renoncements idéologiques ou les dérives autoritaires. La diplomatie du blues le protège et inspire même ses plus fervents auditeurs. Gageons que cette profession de foi guidera longtemps ses pas sur le chemin de l’excellence. ⇒ DK Blues. Titres diffusés cette semaine :- « A Little Taste » par DK Harrell (Alligator Records)- «  No Thanks To You » par DK Harrell (Alligator Records)- « Talkin’ Heavy » par DK Harrell (Alligator Records)- « Praise These Blues » par DK Harrell (Alligator Records).

11-22
28:59

Blues sur Seine, la musique en partage

La 26è édition du festival «Blues sur Seine» ne déroge pas à l’intention initiale. Depuis 1999, consolider le lien social est le maître mot. Pour cela, les équipes programmatrices font preuve d’ingéniosité et de générosité en conviant les artistes à se produire dans des salles de spectacles, mais aussi des collèges, lycées, centres sociaux du département des Yvelines avec la volonté farouche de créer le contact, l’échange et l’écoute que l’on soit amateur ou non de musiques afro-planétaires. Au-delà du plaisir d’accueillir des spectateurs impatients d’acclamer des artistes aguerris, «Blues sur Seine» parie sur les vertus pédagogiques d’assister à une prestation musicale. Comme l’a démontré le pianiste Sébastien Troendlé, il n’y a pas d’âge pour découvrir les différentes formes d’expression qui ont rythmé le quotidien des Afro-Américains au fil des décennies. Son concert, destiné à des écoliers, raconte l’épopée des pionniers du ragtime et du boogie-woogie. Si sa virtuosité fait mouche, son récit n’élude pas pour autant les défis d’une population confrontée au racisme et à la ségrégation au début du XXè siècle. Comprendre les enjeux sociaux, défendre des valeurs, susciter le respect, sont des objectifs cruciaux qu’il convient de réaffirmer. Si la musique peut capter l’attention de jeunes oreilles, vierges de tous préjugés éculés, la mission de l’artiste est accomplie. Le bluesman Stephen Hull, également à l’affiche du festival «Blues sur Seine», a lui aussi un message à délivrer. À seulement 26 ans, il perpétue une tradition héritée de ses aînés, les B.B King, Albert King, Jimi Hendrix… Il a conscience de sa responsabilité patrimoniale. Il a le devoir de préserver un héritage afro-américain et cette intime conviction l'a rapidement hissé au rang des meilleurs instrumentistes actuels. Comme ses contemporains, Jontavious Willis, Jerron Paxton ou Christone «Kingfish» Ingram, il milite pour une reconnaissance universelle du blues dont il connaît la portée historique. Le genre musical qui l’anime a souvent conté l’aventure humaine de ses ancêtres et, pour que ce témoignage ne disparaisse pas, il joue chaque soir son rôle de jeune héritier, locuteur sincère d’un idiome transmis de générations en générations. Quand le blues consolait le samedi soir les citoyens américains, dits de «seconde classe», dans les clubs miteux du sud des États-Unis, le gospel et les spirituals leur donnaient de l’espoir dans les églises baptistes le dimanche matin. Si l’on a souvent opposé le sacré et le profane, il n’est pas inutile de rappeler que l’expression artistique réunissait ces deux visions stéréotypées d’une société américaine embourbée dans ses contradictions. Le trio vocal «Ebony Roots», invité au festival «Blues sur Seine», a mélodieusement prouvé qu’un répertoire, inspiré par la foi, la bonté et la joie, n’est pas nécessairement issu de cantiques religieux. Chanter des airs de Sam Cooke, du Golden Gate Quartet, de Ben Harper ou de Bobby McFerrin peut suffire à notre bien-être sans intention prosélyte. Alors que les tensions internationales bousculent notre fragile XXIè siècle, il n'est pas vain de se laisser bercer par la musicalité d’artistes bienveillants. Blues sur Seine se poursuit jusqu’au 22 novembre 2025 dans les Yvelines, près de Paris.

11-15
52:23

Natalia M. King est une femme libre

Autrefois, la chanteuse et guitariste américaine Natalia M. King fulminait d’insatisfaction face aux injustices de ce monde en bouillonnement constant. Aujourd’hui, elle cherche dans une boulimie de créativité assumée un équilibre spirituel et artistique salvateur. Afroblues, son dernier album, reflète précisément cette quête de liberté qui l’anime depuis toujours. Sa voix soul rayonne sur des fulgurances électro-pop sans altérer la source africaine de son identité première. C’est lors d’un périple au Botswana et en Afrique du Sud au printemps 2024 que l’idée de célébrer le continent originel a jailli dans l’esprit fertile de la New-Yorkaise. Toujours en quête de ses racines premières, Natalia M. King a cherché à déceler la sève de son inspiration en se confrontant au miroir de son âme noire. Elle a alors ressenti la force expressive d’un héritage patrimonial massif et la pureté de traditions ancestrales vierges de toutes exactions coloniales. Il fallait cependant inscrire cet environnement historique dans l’urgence du monde actuel. La modernité des cadences imprimées à ce disque surprenant épouse le rythme effréné de notre XXIè siècle. Ce n’est pas la première fois que Natalia M. King joue avec les contrastes. Déjà sur l’album Fury & Sound en 2003, notre trublionne s’était amusée à brouiller les pistes en affirmant sa singularité. Afroblues entre finalement dans la continuité conceptuelle d’une artiste guidée par ses défis personnels. Au-delà de la texture sonore de cette production audacieuse, le message est essentiel. Aucun titre n’est anodin dans ce nouveau répertoire. L’humeur afrobeat de Lady No en appelle à la figure tutélaire de la rébellion, l’illustre et regretté Fela Anikulapo Kuti. Everyday People, emprunté à Sly & The Family Stone, est un cri de ralliement à une époque où la division l’emporte sur l’unité et la bienveillance. Et ce ne sont là que quelques exemples de thèmes et propos pleinement assumés. «Être sage et rebelle n’est pas antinomique» semble clamer cette Africaine de cœur qui redessine continuellement les contours de son être en affinant son discours avec rigueur et acuité. Elle ose, elle interroge, elle séduit. Succomberez-vous à votre tour ? Écoutez donc «I love a woman» et laissez-vous charmer par cette voix pétrie de soul-music, de sincérité et d’authenticité. Natalia M. King est une femme libre et le revendique. ⇒ Facebook Natalia M. King.   Titres diffusés cette semaine : - « Lady No » par Natalia M. King extrait de Afroblues - « Grab a hold » par Natalia M. King extrait de Fury and Sound  - « Ethiopik Song » par Natalia M. King extrait de Afroblues - « I love a woman » par Natalia M. King extrait de Afroblues - « Everyday people » par Sly & The Family Stone extrait de Stand !

11-08
29:00

Les 80 ans du pianiste Alain Jean-Marie

Le 29 octobre 2025, Alain Jean-Marie a fêté son 80ème anniversaire. Formidable mélodiste, sa virtuosité a souvent magnifié les œuvres de ses contemporains. En compagnie de musiciens et d’interprètes d’horizons très divers, il a imprimé sa marque et a su résister à l’érosion du temps. Jazz et Biguine ne font plus qu’un quand ce maestro se met au piano. Célébrons tous ensemble les 80 automnes d’un génial instrumentiste ! Alain Jean-Marie choisit ses mots lorsqu’il accepte de conter son aventure humaine. Dès sa prime jeunesse, ses oreilles curieuses captent les acrobaties des jazzmen américains. Il acquiert une solide culture musicale mais c’est un voyage à Montréal qui accélère sa destinée. Il rencontre deux personnages essentiels à son développement artistique, le pianiste Marius Cultier et le batteur Jean-Claude Montredon avec lequel il scellera une amitié sincère et durable. Alain Jean-Marie n’a qu’une vingtaine lors de cet épisode canadien, mais la frénésie du moment lui donne des ailes et le goût pour l’expérimentation. Une autre étape décisive sera La Cigale à Paris en 1973. Alain Jean-Marie apprend fortuitement que le pianiste Wolf Schubert quitte le groupe du tromboniste Al Lirvat. L’occasion est trop belle pour ne pas intégrer cet orchestre dans lequel ses amis Robert Mavounzy et Émilien Antile officient déjà. C’est ainsi qu’il peaufinera sa musicalité jazz caribéenne et deviendra une figure majeure de la scène métropolitaine. Dans les clubs et studios de la capitale française, il sera sollicité pour de nombreuses prestations aux côtés de personnalités américaines éminentes dont Chet Baker, Dee Dee Bridgewater ou Abbey Lincoln. C’est au tournant des années 90 que l’idée de revenir à ses racines antillaises refait surface à l’initiative de l’association Nov’Art. Ce groupe de jeunes gens passionnés le convainquent d’enregistrer de nouveaux albums dans une tonalité caribéenne. Même si cette source d’inspiration n’avait jamais quitté les doigts du pianiste, l’album Biguine Reflections revitalisera la créolité d’un jazz qu’une nouvelle génération d’auditeurs ne connaissait pas vraiment. Cette heureuse initiative fut couronnée de 4 albums parus entre 1992 et 2000. Depuis cette époque, Alain Jean-Marie multiplie les séances d’enregistrement et les performances en public. Ici avec Benny Golson, là avec Mario Canonge… Il ne cesse de parfaire son art né d’une écoute attentive de ses homologues. Son dernier grand projet est un duo audacieux avec le contrebassiste Diego Imbert. Ensemble, ils réinventent un format initié autrefois par Duke Ellington et Jimmy Blanton. Alain Jean-Marie n’a pas fini de nous surprendre. À 80 ans, sa science gourmande de la musique semble infinie et l’album Ballads reflète précisément cet insatiable appétit pour les défis et l’inédit. Rendez-vous le 13 novembre 2025 au Sunside à Paris pour vous en convaincre. ⇒ Diego Imbert & Alain Jean-Marie au Sunside. Titres diffusés cette semaine : - « The nearness of you » par Alain Jean-Marie et Diego Imbert - « Gwadloup an nou » par Alain Jean-Marie, Serge Marne et Eric Vinceno  - « Con Alma » par Alain Jean-Marie et Mario Canonge  - « Peri’s Scope » par Alain Jean-Marie et Diego Imbert.

11-01
29:00

Femi Kuti, en quête d’une vie paisible

À 63 ans, le chanteur, danseur et musicien nigérian, Femi Kuti semble faire un bilan d’étape. Si son indignation reste vivace face aux injustices planétaires, le ton plus posé de ses diatribes laisse entrevoir une volonté d’apaisement. La corruption politique, la violence systémique, le racisme institutionnalisé, sont toujours ses chevaux de bataille mais il y oppose aujourd’hui des vœux de tolérance et de bon sens. Journey Through Life est le fruit de cette réflexion d’homme sage et d’artiste aguerri. Trouver la paix intérieure semble être le credo de ce saxophoniste, trompettiste et chef d’orchestre de talent qui, au fil des années, a compris que la confrontation n’est pas la seule arme de dissuasion massive contre les dérives et les exactions. Résister à l’adversité et chercher en soi la force de jouir pleinement de l’instant présent est un exercice quotidien qui demande de la retenue et de la tempérance. Cette inclinaison de son discours n’est pas une capitulation mais, au contraire, une nouvelle manière de contrer les assauts des âmes mortifères. «Il n’est pas nécessaire d’être violent, il n’est pas nécessaire de créer du stress, il faut plutôt chercher la sagesse et être objectif, être sincère. Il est très aisé de faire cet effort de compréhension. Que vous le vouliez ou non, il y aura toujours dans ce monde des aspects positifs et négatifs. Si vous n’êtes pas capable de comprendre cela, vous aurez toujours des problèmes. Il faut accepter le fait que vous finirez par mourir un jour. Si vous prenez en compte cette réalité, si vous appréhendez votre propre vie en acceptant le fait qu’elle se terminera un jour, vous faites preuve de sagesse et vous serez en paix avec vous-même. Ce monde chaotique ne nous permet plus de réfléchir réellement au sens que nous voulons donner à notre vie sur terre. C’est ainsi que l’on se perd en conjectures et que la violence surgit. Plus vous perdez pied, plus le désordre s’installe. Si votre esprit est agité, si vous êtes en guerre avec vous-même, vous ne pouvez que transmettre des émotions négatives. Si vous cherchez vraiment la paix, écoutez les musiciens. Même s’ils traversent parfois des moments difficiles dans leur vie privée, ils ont malgré tout le devoir d’être positifs sur scène et de vous apporter du réconfort. Leur rôle est de vous permettre de vous évader, d’oublier vos tracas du quotidien, d’apaiser vos tourments, d’effacer le chaos qui agite votre esprit. Si un artiste ne comprend pas cela, il s’égare complètement. Si, au contraire, il sait s’adresser au public, il devient un homme de paix». (Femi Kuti au micro de Joe Farmer) Pour parvenir à un tel détachement et échapper à la frénésie mondiale, Femi Kuti s’en remet à la pratique intensive de son instrument de prédilection, le saxophone. Il ne cesse de répéter pour atteindre un idéal artistique. Il s’interroge, réfléchit, reconsidère perpétuellement son statut de musicien. Il écoute ses aînés, ses homologues, ses contemporains et en tire des enseignements qu’il distille à son tour par petites touches à ses proches et à son public. Comment ne pas déceler l’intention de titres comme «Work on myself» ou «Think my people, Think». Notre fringant sexagénaire nous invite clairement à un examen de conscience indispensable. «Quand je composais les chansons de cet album, la musique a surgi d’elle-même. Je pensais à ma grand-mère qui a bataillé pour survivre comme beaucoup d’autres combattants de la liberté. Je pensais à Malcolm X, Martin Luther King, Mohamed Ali, Bob Marley, Patrice Lumumba, Thomas Sankara, mon père Fela, et tant d’autres… Ils se sont battus pour un monde meilleur mais ce monde est resté chaotique et violent. Je me suis dit : «Cela fait 40 ans que je fais de la musique, que j’exprime mes opinions mais le monde n’a pas évolué. Les tensions politiques se sont accrues. Comment puis-je modifier cet état de fait ?». Je n’avais pas le droit de baisser les bras. Une petite voix intérieure me répétait sans cesse : «Ce n’est pas la fin ! Tu ne peux pas abandonner !». J’ai donc longuement réfléchi. Que pouvais-je changer ? Et si je commençais par moi ? Par mon attitude ? Instantanément, j’ai éprouvé un sentiment de paix intérieure. J’ai réalisé que travailler sur moi avait une incidence sur ma vision du monde. Je pouvais agir sur ma vie personnelle, devenir un bon père, devenir un meilleur musicien, etc. C’est peut-être cela le but d’une vie ! Il ne s’agit pas de contraindre autrui à se comporter de telle ou telle manière, il s’agit de donner l’exemple. À vous de suivre ou non cette approche paisible de la vie. Ce que vous déciderez d’en faire m’importe peu mais je suis convaincu que nous pouvons, chacun d’entre nous, créer un espace de sérénité qui éclaboussera positivement notre entourage». (Femi Kuti sur RFI) Les années passent et Femi Kuti accepte volontiers l’impact progressif de cette incontournable réalité sur son esprit. Il voit ses enfants grandir et se félicite de leur état esprit positif et constructif. L’attitude de son fils, Madé, l’enchante et lui donne espoir. La relève est assurée… «J’aime beaucoup son dernier album. C’est un disque très réussi. Sa musique m’apaise. Elle m’apporte ce que j’ai recherché toute ma vie, des sentiments de paix et d’amour. Voir mon fils s’épanouir ainsi me comble de bonheur». (Femi Kuti, octobre 2025) ⇒ Femi Kuti c/o Partisan Records.   Titres diffusés cette semaine : «Journey through life» par Femi Kuti (Partisan Records) «Work on myself»  par Femi Kuti (Partisan Records) «Vote Dizzy/Salt Peanuts» par Dizzy Gillespie et Jon Hendricks (Douglas Music) «Think my people, think» par Femi Kuti (Partisan Records).

10-25
28:59

Nicolas Genest invoque le Royaume du Danhomey

Le trompettiste français Nicolas Genest est en quête de ses racines béninoises. Son premier séjour à Cotonou, en 2006, est déterminant. Il perçoit alors instantanément l’intense histoire séculaire de cette terre lointaine qui lui paraît si proche. Après plusieurs périples dans ce pays qui le fascine, il se met en tête d’honorer les traditions locales et de les célébrer en musique. Il lui faudra 10 ans pour concevoir Danhomey Songs, un album guidé par un devoir de mémoire. Nicolas Genest a maintes fois prouvé son attachement au continent africain, mais réduire sa destinée à cette seule source d’inspiration serait injuste. C’est au contact de grandes figures du jazz américain (Art Farmer, Wynton Marsalis, Terence Blanchard..) qu’il peaufinera son inventivité instrumentale. Il se liera également d’amitié avec le célèbre contrebassiste John Clayton dont les conseils avisés traceront son chemin. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de noter la présence du maestro américain sur le titre «Lonmin» de l’album Danhomey Songs. Certes, «L’épopée des Musiques Noires» irrigue les productions de Nicolas Genest depuis «Lékéré» en 2006, mais l’universalité de sa discographie nous rappelle que les catégories imposées par l’industrie du disque n’ont pas de sens et limitent notre ouverture d’esprit. Depuis plus de 30 ans, Nicolas Genest multiplie les rencontres et nourrit la créolité de notre écoute. Son goût pour les musiques traditionnelles indiennes, ses nombreuses collaborations aux œuvres afro-planétaires de ses contemporains (Alpha Blondy, Manu Dibango, Jimmy Cliff, Mayra Andrade, Henri Texier…), ses propres compositions, méritent nos oreilles attentives. Danhomey Songs est sans doute le plus audacieux de ses projets. Réalisé entre 2014 et 2024, ce long voyage musical bercé par les harmonies classiques, le swing jazz et les rythmes nés de la terre béninoise, est une ode à la vie, l’amitié, l’amour. Pour donner de la valeur à ce propos généreux et bienveillant, il fallait réunir une famille de musiciens aguerris issus des quatre coins de la planète, du Ghana aux États-Unis, du Bénin à la France. Victor Dey Jr, Chris Potter, Lionel Loueke, David Patrois, entre autres, illuminent ce tableau multicolore que le principal instigateur présentera au New Morning à Paris, le 26 octobre 2025, à travers un concert très attendu et la projection d’un documentaire projeté en préambule de cette soirée réjouissante. ⇒ Site de Nicolas Genest. Titres diffusés cette semaine : - « Legba » extrait de « Danhomey Songs » par Nicolas Genest  - « Lekere » extrait de « Lekere » par Nicolas Genest  - « Zangbeto » extrait de « Danhomey Songs » par Nicolas Genest  - « Guede Houssou » extrait de « Danhomey Songs » par Nicolas Genest. 

10-18
28:59

Gwoka, Biguine, Maloya… musiques nées de l’esclavage

Si les États-Unis ont su mettre en valeur les différents styles musicaux, gospel, blues, jazz, soul, funk, rap, issus d’un lourd passif historique, la France peine à donner du crédit à des formes d’expression nées de traditions ancestrales afro-européennes. Le journaliste Bertrand Dicale s’est penché sur ce patrimoine culturel vibrant qui narre l’aventure humaine de millions d’ultramarins. Il aura fallu attendre des siècles pour que les différents idiomes créoles trouvent une véritable légitimité et une indéniable valeur artistique. Longtemps, on a cru que les musiques autochtones n’étaient, aux yeux des colons, que l’écho primitif d’un lointain passé africain. Il convient tout de même de rappeler que les fusions culturelles naissent au moment où des populations d’origines diverses partagent un quotidien commun. Comment pourrait-il en être autrement ? Ainsi, la destinée des esclaves africains est indissociable de celle de leurs oppresseurs. La rencontre de rites, codes et traditions originelles, a façonné un vocabulaire sonore métis. La biguine, notamment, est le fruit d’une assimilation progressive de sources bien distinctes comme la polka et le bèlè parvenus à maturité dans le terreau caribéen dès la fin du XIXè siècle. Au-delà de la dimension rythmique et harmonique, ce genre musical est d’abord une danse qui impose un statut social après l’abolition de l’esclavage. Maîtriser la chorégraphie biguine est un signe d’appartenance à une civilisation de progrès très éloignée des vestiges de l’esclavage. La biguine est donc le ciment d’une population qui assume pleinement son passé mulâtre mais qui choisit de le sublimer. Aujourd’hui encore, la biguine continue de provoquer des mutations sociologiques universelles. Les musiques nées de l’esclavage ont joué un rôle d’émancipation pour des millions d’hommes et de femmes par-delà les océans. Le Maloya réunionnais par exemple, longtemps banni par l’administration française coloniale, est devenu avec le renfort du Parti Communiste local le porte-voix des opprimés et l’affirmation d’une identité résiliente idiosyncratique. Terre multi-ethnique, l’île de La Réunion jouit d’une richesse culturelle unique. Indiens, Africains, Européens, Chinois, ont dessiné les contours d’une «batarsité» que le musicien, chanteur et poète, Danyel Waro revendique avec force comme un emblème de la diversité généreuse. Tous ces répertoires, ces langages, ces modes de vie, ne sont pas que les témoignages d’une souffrance, ils ont modelé notre altruisme et nous encouragent à regarder le monde avec les yeux de la tolérance. C’est le vœu que formule en filigrane Bertrand Dicale dans son dernier ouvrage «Musiques nées de l’esclavage - domaine français», aux Éditions de la Philharmonie de Paris. Titres diffusés cette semaine : - « K’drill N°1 » par Hervé Celcal  - « Anlé Monn La » par le trio Biguine Extension  - « Mon Maloya » par Meddy Gerville. 

10-11
28:59

Tyreek McDole, nouvelle étoile de l’art vocal

À 25 ans, Tyreek McDole surprend par sa maturité, tant dans son propos que dans ses interprétations. Encensée par ses pairs, acclamée par ses contemporains, la voix ronde, chaleureuse et parfois acrobatique, de ce jeune chanteur américano-haïtien fait mouche. Son audacieux et révérencieux premier album, Open up your senses, joue avec les accents jazz hérités de ses aînés. De retour en Europe cet automne, après une tournée estivale scintillante, Tyreek McDole s’apprête à conquérir le cœur de nombreux auditeurs.   Il est assez rare de noter la pertinence d’un artiste dès les premières années de sa carrière. C’est une expérience longuement éprouvée qui forge habituellement un discours et une identité. Tyreek McDole semble avoir déjà vécu mille vies. Sa vision du monde est souvent très juste, éclairée par une approche universaliste de ce XXIè siècle bouillonnant. Doit-il l’acuité de son regard altruiste à ses lointaines origines caribéennes ? On peut le penser en l’écoutant évoquer la multiplicité culturelle de son univers sonore. «Je vous dirais ceci : comme j’ai la chance d’avoir en moi une palette de couleurs différentes, je ne peux qu’être influencé par cette myriade de sources d’inspiration. On ne parle pas assez de l’impact des Caraïbes sur le jazz américain. On dit souvent que la Nouvelle-Orléans est la ville la plus au nord des Caraïbes car, ancestralement, il y avait beaucoup de commerce entre la Louisiane et les îles des Caraïbes : Trinidad et Tobago, Cuba, Haïti… Il y a donc dans cette région du monde, une interconnexion des cultures qui a fait de la Nouvelle-Orléans le fameux melting-pot dont tout le monde parle aujourd’hui. Les Américains pensent qu’ils ont créé seuls cette forme d’expression qu’on appelle «Jazz». Ils oublient souvent l’influence des cultures voisines, des migrants, en d’autres mots, le reste du monde. Par conséquent, mes différentes origines m’ont ouvert l’esprit, et en tant que citoyen américain, j’ai profité des traditions importées par les migrants. Je parle des Italiens, des Irlandais, des Haïtiens, des Chinois, des Mexicains, etc. Nous avons tous contribué à la création des États-Unis. La musique américaine est donc le fruit d’un métissage international. Je suis un enfant du Rara et du Compas haïtiens mais aussi du Jazz, du Hip hop et du R&B américains. J’écoute beaucoup Mary J.Blige, Freddie Gibbs, Kendrick Lamar… J’ai tout cela en moi». (Tyreek McDole au micro de Joe Farmer) Tyreek McDole n’a pas d’œillères. Il se laisse porter par ses envies sans réfléchir aux catégorisations discographiques. Même si, à son grand regret, il ne parle pas créole, il ne s’interdit pas pour autant de chanter dans la langue de ses ancêtres en apprenant par cœur les paroles de chansons traditionnelles comme «Wongolo Wale» qu’il délivre avec ferveur sur son album Open up your senses. «C’est une chanson traditionnelle. Elle provient d’Angola car l’ethnie haïtienne à laquelle j’appartiens a des racines dans ce pays. Autrefois, nous avions des royaumes entiers en Angola et les griots ont transmis notre histoire à travers les siècles. Ils ont raconté l’épopée des rois et des reines, des dynasties ancestrales. Ils ont narré le quotidien de mes aïeux. La chanson que vous évoquez fait référence au commerce triangulaire qui avait séparé des familles entières. Dans cette composition, je me pose la question : «Qu’es-tu devenu ?». En d’autres mots, j’interroge mes ancêtres. De toute façon, l’album entier est pétri de messages. Le titre de ce disque en dit long sur mon intention. Je dis : «ouvre ton esprit». C’est un peu comme si mes aînés tentaient de communiquer avec moi et m’encourageaient à faire le lien avec mes racines lointaines ». (Tyreek McDole sur RFI) Il est certain que Tyreek McDole continuera à captiver nos oreilles. Il a déjà fasciné nombre de ses homologues. Il apparaîtra d’ailleurs sur le prochain album de l’illustre pianiste Kenny Barron (82 ans) qu’il a rencontré au hasard d’une croisière dans la mer des Caraïbes. «Durant cette semaine de croisière musicale, j’avais remarqué la présence de Kenny Barron qui assistait régulièrement à mes prestations. Il aurait pu aller voir ses amis mais il a choisi d’écouter des jeunes gens comme moi. J’étais très honoré de le compter parmi mes spectateurs... Alors que nous accostions en République Dominicaine, il s’est approché de moi et m’a demandé s’il pouvait me prendre en photo. J’étais estomaqué ! Je lui ai rétorqué : «ce serait plutôt à moi de vous prendre en photo !». Nous avons commencé à discuter ensemble et il s’est proposé pour enregistrer un titre sur mon album, en l’occurrence, Ugly Beauty de Thelonious Monk. Ce monsieur a tout de même joué avec les plus grands dont Dizzy Gillespie, Ella Fitzgerald, et beaucoup d’autres ! C’est une légende vivante, un maître ! Il est l’un des derniers représentants d’une génération qui a marqué l’histoire du jazz. Je me sens tellement honoré de faire partie désormais de son cercle privé. Pouvoir apprendre d’une telle personnalité vous donne une perspective artistique complètement différente. C’était donc un sacré défi pour moi d’être à la hauteur et de ressentir l’énergie du maestro face à moi. Chaque fois que je me suis retrouvé en studio avec lui, j’ai appris énormément. J’ai appris à être patient, j’ai appris à m’abandonner à l’instant présent. Lui, n’a plus rien à prouver. Moi, j’avais tout à prouver ! Je devais lui démontrer que j’étais à la hauteur de ses attentes. C’est un sacré challenge pour un artiste de mon âge car je n’ai que 25 ans et, tout au long de ma vie, il faudra que je parvienne à relever de tels défis. J’espère qu’à 85 ans, j’aurai un peu progressé… (Le rire de Tyreek McDole dans «L’épopée des Musiques Noires» sur RFI) Nul doute que ce jeune homme bourré de talent saura séduire un auditoire toujours plus vaste sans se fourvoyer car le succès qui accompagne déjà ses prestations ne l’intimide pas. Sa clairvoyance lui évitera certainement l’écueil de la précipitation et de l’exposition médiatique trop intense. Rendez-vous cet automne pour applaudir ses prouesses vocales que les spectateurs du Nice Jazz Festival ont déjà pu apprécier en juillet 2025. Dates à retenir : - 15 octobre 2025 à Tourcoing - 16 octobre 2025 à Paris (New Morning) - 17 octobre 2025 à Nancy. ⇒ Le site de Tyreek McDole.   Titres diffusés cette semaine : - « The Umbrella Man » par Tyreek McDole (Artwork Records) - « The Sun Song » par Tyreek McDole (Artwork Records) - « Wongolo Wale » par Tyreek McDole (Artwork Records) - « Everyday I Have The Blues » par Tyreek McDole (Artwork Records).

10-04
28:59

Quand le jazz devient politique

Lorsqu’en février 1961, le batteur Max Roach et la chanteuse Abbey Lincoln parviennent à bousculer les débats du conseil de sécurité de l’ONU après l’assassinat du Premier ministre congolais Patrice Lumumba, ils viennent de faire jaillir la force mobilisatrice de la musique au sein des institutions politiques internationales. Ce moment de bascule historique est le point de départ d’un récit cinématographique imaginé par le documentariste belge Johan Grimonprez. Son film «Soundtrack to a coup d’État» sortira sur les écrans français le 1er octobre 2025. Au tournant des années 60, les deux rives de l’Atlantique sont en effervescence. Les indépendances africaines bousculent la géopolitique planétaire et nourrissent l’élan d’émancipation déjà très vif de la communauté noire aux États-Unis. L’enjeu est de taille : il faut parvenir à trouver sa place dans le concert des nations au moment où les partitions territoriales sont redessinées. La guerre froide a installé une confrontation bipolaire latente qui se trouve brutalement ébranlée par l’émergence de nouveaux acteurs étatiques déterminés à jouer leur rôle au sein des instances internationales. Cette réalité attise les convoitises et conduit les anciennes puissances coloniales aux pires outrances pour conserver un pouvoir d’influence économique et stratégique. Ce nouvel ordre mondial agite les esprits, mobilise les engagements, suscite des prises de position parfois radicales. Outre-Atlantique, poètes, écrivains, musiciens, s’indignent des exactions de l’administration américaine et font entendre leurs voix. Les mots sont acerbes et les notes plus tranchantes. Le swing docile d’antan est subitement percuté par un free jazz insolent. John Coltrane, Ornette Coleman, Nina Simone entendent le cri de leurs frères africains et le relaient à travers des prestations vibrantes. L’océan n’est plus le tombeau des esclaves, mais un pont entre deux continents unis par un appel unitaire panafricain. L’universalité du discours afro-diasporique fait mouche et la musique accompagne avec force cette fronde sociale inéluctable. «Soundtrack to a coup d’État» narre avec acuité ce changement de paradigme appuyé par le rythme cadencé de jazzmen totalement investis dans un activisme artistique salutaire. De Louis Armstrong, empêtré malgré lui dans un rôle d’ambassadeur factice au Congo, à la campagne présidentielle fantaisiste mais résolue du trompettiste Dizzy Gillespie, le génie créatif et humaniste des grandes figures de «L’épopée des Musiques Noires» a suscité un examen de conscience que ce documentaire trépidant, nommé aux oscars, restitue brillamment.   Playlist - « Indépendance Cha Cha » par Joseph Kabasele & African Jazz - « When the saints go marching in » par Louis Armstrong  - « Vive Lumumba Patrice » par Vicky Longomba & African Jazz.

09-27
28:59

Les McCann aurait eu 90 ans

Le 23 septembre 2025, le pianiste Les McCann aurait fêté son 90ème anniversaire. Ce brillant instrumentiste et chanteur américain avait insufflé une tonalité soul-jazz au répertoire de ses aînés, dès les années 60, grâce à ses prestations virtuoses et fort cadencées. L’un de ses grands classiques fut une composition engagée contre la guerre du Vietnam, intitulée «Compared to what», signée Eugène MacDaniels et enregistrée à Montreux en Suisse en 1969. Ce titre a été repris des dizaines de fois par des artistes aussi divers que Ray Charles, Roberta Flack, John Legend, Al Jarreau, Billy Paul, Maceo Parker ou Lucky Peterson… Il serait cependant injuste de réduire la destinée de l’interprète originelle à cette œuvre historique. Les McCann voit le jour à Lexington dans le Kentucky en 1935. Il est un enfant noir dans une Amérique raciste mais il trouve dans la musique le moyen de supporter l’oppression que la société d’alors impose à la communauté afro-américaine. La musique de Les McCann n’était pas purement Jazz. Il y avait du Groove, de la Soul, parfois du Funk, dans son expressivité. Les goûts de Les McCann ne se limitaient pas à la simple sphère du swing ancestral. Ce grand pianiste écoutait ses contemporains et s’enthousiasmait lorsque l’un d’eux parvenait au sommet de la gloire. Il n’y avait pas de jalousie en lui. Il se félicitait du succès de ses homologues musiciens et les défendait même avec ferveur. Une question anodine sur les évolutions stylistiques et périlleuses du grand Herbie Hancock suscitait instantanément de sa part une réponse définitive. « Nous sommes à une époque où il est important de respecter un être humain pour ce qu’il est. Même si mon goût personnel n’est pas satisfait, je dois apprendre à respecter les choix de chacun. Comment peut-on critiquer Herbie Hancock ? Quelle meilleure récompense pour un artiste que de pouvoir gagner sa vie par son talent. Pourquoi, dans ce cas, se limiter à une seule discipline ? Autant expérimenter. Pourquoi classer les artistes par genre ? Jazz ou non Jazz…  Herbie Hancock est un musicien qui touche à tout et il mérite à ce titre toute notre considération ». (Les McCann en 2002 au micro de Joe Farmer) Comme nombre de ses contemporains, Les McCann avait aussi un œil tourné vers le continent africain. La terre de ses ancêtres fut parfois fantasmée, souvent célébrée, constamment évoquée dans ses œuvres. Ce brillant pianiste ne se contentait pas d’en parler, il se rendait sur place. En 1971, avec son camarade saxophoniste Eddie Harris, il fit le voyage jusqu’au Ghana où il participa à un concert exceptionnel qui réunissait Ike & Tina Turner, Carlos Santana, Roberta Flack, les Staples Singers et Wilson Pickett, entre autres… 100 000 spectateurs les acclamèrent ce 6 mars 1971 à Accra. À l’aube des années 70, la tension est encore vive entre blancs et noirs aux États-Unis. Les McCann assiste, désemparé, à la désillusion de la communauté afro-américaine après les assassinats de grands orateurs, Malcolm X, Martin Luther King, Les frères Kennedy... Malgré les revers, les doutes, les perpétuelles remises en question, Les McCann veillait à ne pas devenir un homme aigri. Son grand cœur le poussait à chercher le meilleur en chacun de nous. Sa foi en la bonté et la bienveillance résistait à toutes les attaques gratuites et souvent blessantes. Ces dernières années, affaibli par des problèmes cardiaques sérieux, il s’était fait plus rare sur les scènes internationales et ses apparitions discographiques se résumaient à quelques séances ponctuelles en studio aux côtés d’amis musiciens. Les McCann s’est éteint le 29 décembre 2023 à 88 ans. Le souvenir de cet homme affable restera vivace dans notre mémoire. ⇒ Le site Les McCann. Les titres diffusés cette semaine : - «Compared to What» par Les McCann  - «Compared to What» par Lucky Peterson  - «Compared to What» par Terence Blanchard - «St James Infirmary» par Louis Armstrong  - «Wild Man Blues» par Louis Armstrong  - «Hot Pants» par James Brown  - «Canteloupe Island» par Herbie Hancock  - «Decoy» par Miles Davis - «Mr Pastorius» par Miles Davis - «Tutu» par Miles Davis - «Soul to Soul» par Les McCann & Eddie Harris  - «My funny Valentine» par Les McCann  - «You sure look good to me» par Les McCann & Bill Evans   - «The Truth» par Les McCann et Bonnie Raitt.

09-20
29:00

La biguine est-elle datée ?

Dans l’imaginaire populaire, les musiques traditionnelles semblent appartenir à une époque révolue. Elles sont certainement le creuset de cultures ancestrales, mais elles nourrissent toujours l’inspiration des instrumentistes d’aujourd’hui. La biguine, dont la matrice s’inscrit dans le patrimoine antillais, n’a cessé d’évoluer. En créant le groupe « Biguine Extension », le guitariste Ralph Lavital et ses amis, Elvin Bironien et Adriano Tenorio, ont actualisé une forme d’expression historique. La biguine doit-elle être perçue comme l’écho sonore d’une population caribéenne résiliente ? Née à la fin du XIXè siècle en Martinique, elle exprimait une volonté farouche d’être respecté et considéré. Cette musique métisse jouait avec les rythmes du bèlè et les harmonies de la polka. Elle traduisait dans la danse le désir d’affirmer une identité. Comme le jazz aux États-Unis, la biguine aux Antilles est un marqueur revendicatif qui a traversé les décennies et résisté à l’érosion du temps. L’éruption de la Montagne Pelée en 1902 aurait pu effacer les traces créoles des autochtones d’antan, mais la biguine s’est régénérée et a trouvé sa place dans le paysage multicolore des musiques mondiales. Il n’est donc pas étonnant que le trio « Biguine Extension » convoque le répertoire des aînés : Alexandre Stellio, Fernand Donatien, Jean-Claude Montredon et, indirectement, Alain Jean-Marie dont les « Biguine Réflexions » ont certainement inspiré cette ambitieuse production. Peut-on cependant s’autoriser à bousculer, triturer, adapter, des compositions inscrites dans l’inconscient collectif ? La biguine est-elle suffisamment malléable pour permettre toutes les audaces ? Il faut croire que Ralph Lavital, Elvin Bironien et Adriano Tenorio se sont posé la question tant leur interprétation reste acrobatiquement respectueuse de l’intention originelle. Il faut dire que ces trois instrumentistes aguerris ont maintes fois prouvé leur attachement aux musiques-racines à travers leurs divers projets discographiques communs ou personnels. Le guitariste Ralph Lavital a, de longue date, multiplié les expériences au contact de ses contemporains. Ses propres albums comme ses interventions éclectiques ponctuelles pour d’autres artistes traduisent son engagement réel pour la préservation de ses origines martinico-guadeloupéennes. Sa participation sensible à l’album Introspection du pianiste Richard Payne en est une belle illustration. Elvin Bironien est lui aussi un musicien attentif aux sources de sa créativité. Ses prestations aux côtés des grands noms du jazz actuel font mouche. Il est un bassiste très sollicité qui sait magnifier les fulgurances de ses homologues dont Mokhtar Samba, Grégory Privat, Kareen Guiock-Thuram… Le percussionniste brésilien Adriano Tenorio est également un incontestable gardien des traditions. Ses saillies cadencées ont ravi Mario Canonge, Blick Bassy, Dhafer Youssef, entre autres… l’association de ces trois trublions ne pouvait que susciter l’admiration et « Biguine Extension » ne sera certainement pas une ébauche sans lendemain ! ⇒ Facebook Biguine Extension. Titres diffusés cette semaine : - « Anlé Monn La » (Alexandre Stellio) par le groupe Biguine Extension  - « Gwadloup An Nou » (Traditionnel) par le groupe Biguine Extension  - « Big In » (Ralph Lavital) par Ralph Lavital  - « Ernest et Firmin » (Thierry Fanfant) par le groupe Biguine Extension. 

09-13
28:59

Nice suscite le dialogue intergénérationnel

Du 24 au 27 juillet 2015, le Nice Jazz Festival, dans le sud-est de la France, a accueilli des artistes de tous âges. Le théâtre de Verdure a, notamment, présenté aux estivants, amateurs de swing authentique, un orchestre de légendes du jazz, les fameux Cookers. Cette formation composée de virtuoses aguerris, certains octogénaires, a démontré que le temps qui passe n’a pas d’emprise sur la vigueur musicale. Le même soir, la voix charmeuse d’un gamin de 25 ans, Tyreek McDole, ensorcelait les spectateurs. Le jazz ne cesse d’évoluer et de se transformer. Il subsiste cependant toujours cette cadence héritée des rythmes africains ancestraux. Pour que cette matrice résiste à l’érosion du temps, il faut impérativement la transmettre aux générations futures. C’est ce à quoi s’emploie les « Cookers » dont l’histoire épouse celle des plus vaillants instrumentistes afro-américains. « Je pense que notre musique reflète l’époque à laquelle nos vénérables camarades de jeu ont vécu. Les plus anciens membres de ce groupe ont connu des moments difficiles dans l’Amérique des années 50 et 60. Cette période de résilience quotidienne inspirait des musiciens comme John Coltrane et Miles Davis. Les Cookers sont aujourd’hui l’écho de cette époque lointaine et perpétuent le message et l’esprit de nos aînés. Il y a dans notre musique ce désir de vivre dans un monde meilleur, débarrassé d’une angoisse existentielle héritée des temps anciens. Nous cherchons à promouvoir la joie. Si je fais partie de ce groupe aujourd’hui, c’est pour pouvoir échanger avec des musiciens que je vois comme des héros. Ils étaient là bien avant nous et nous avons le devoir de perpétuer leur tradition. Nous devons la porter au XXIe siècle. Quand j’ai rejoint les Cookers, je pensais rester quelques, mois mais aujourd’hui, je ne parviens plus à les quitter, car ce sont de très grands virtuoses. » (Donald Harrison Jr au micro de Joe Farmer) À lire aussiNice a honoré les légendes du jazz Au sein des Cookers, quelques éminences continuent d’insuffler la pulsion du jazz originel. Le batteur Billy Hart a aujourd’hui 84 ans. Sa prestigieuse carrière ne doit pas, à ses yeux, le détourner de certaines valeurs artistiques comme l’écoute et le partage. Perpétuer un art passe par le dialogue intergénérationnel. Il a conscience que ses camarades « Cookers » jouissent de son expérience, mais il ne minimise pas, pour autant, leur savoir-faire. « C’est une leçon de travailler avec mes camarades ici présents. J’ai fait appel à eux, car ils connaissent parfaitement les bases de cette musique. Ils savent ce que représente la tradition du jazz. Donald Harrison, par exemple, sait d’où il vient, quelles sont ses racines. Tous les musiciens de ce groupe ont une expérience éprouvée de la scène et, particulièrement, Donald Harrison. Pour moi, l’expérience, c’est le savoir. Prenez le trompettiste Eddie Henderson, cela fait 40 ans que nous nous côtoyons. Idem pour le contrebassiste Cecil McBee. Nous nous fréquentons depuis des lustres. Tous les membres de cet orchestre sont des instrumentistes aguerris et ils continuent de m’apprendre des choses. Vous vous en rendrez compte ce soir. » (Billy Hart, le 26 juillet 2025 à Nice) Si cet aréopage de vieux briscards échaudés par les soubresauts d’une vie tumultueuse impose immédiatement le respect, il faudra bientôt accorder la même considération aux talents en devenir. Le jeune chanteur Tyreek McDole apparaît aujourd’hui comme l’une des valeurs sûres de l’art vocal jazz. Sa sincère déférence à l’égard de ses aînés démontre son attachement à une tradition qu’il puise dans les œuvres d’antan. « Un instrumentiste a toujours un impact sur un chanteur et ceux que j’ai écouté ont, d’une certaine manière, façonné la manière dont je conçois la musique. Je ne remercierai jamais assez Miles Davis d’avoir créé un album comme Round About Midnight. Je suis toujours estomaqué par le niveau d’excellence de cette musique et de ce disque. Évidemment, je ne peux oublier Ella Fitzgerald. Elle était une géniale interprète. Elle était capable de reproduire vocalement ce que ses homologues instrumentistes jouaient sur scène. Les musiciens s’inspirent également de l’art vocal. Prenez Lester Young ou Coleman Hawkins, ils parvenaient à paraphraser au saxophone les allitérations poétiques d’une chanteuse comme Sarah Vaughan. Il y a une indéniable interconnexion entre musiciens et interprètes. Nous nous inspirons les uns des autres. Nous passons tout notre temps à nous rendre hommage mutuellement. Cette constellation de grands artistes est gigantesque. Il ne faut pas citer que les grands noms, mais tous ceux qui ont contribué à l’épopée des musiques noires et ils sont nombreux. » (Tyreek McDole sur RFI) À lire aussi«Open Up Your Senses» : Tyreek McDole s'impose déjà comme un grand du jazz vocal Le XXIe siècle est prometteur. Bien qu’amarrée aux temps anciens, l’inventivité de la jeune génération reste audacieuse. 50 ans d’histoire séparent les Cookers de Tyreek McDole et, pourtant, la flamme vitale du swing natif est préservée. Le Nice Jazz Festival y a largement contribué lors de ce mois de juillet 2025. ► Nice Jazz Festival Titres diffusés cette semaine : « Satin Doll » (Ellington/Strayhorn) par le John Clayton Trio – Live au Nice Jazz Festival 2025 « Con Alma » (Dizzy Gillespie) par le John Clayton Trio – Live au Nice Jazz Festival 2025  « Django » (John Lewis) par le John Clayton Trio – Live au Nice Jazz Festival 2025 « The Summer Wind » (Heinz Meier) par le Christian McBride Trio – Live au Nice Jazz Festival 2025 « Tanga » (Dizzy Gillespie) par le Christian McBride Trio – Live au Nice Jazz Festival 2025 « Nancy With a Laughing Face » (Jimmy Van Heusen) par le Christian McBride Trio – Live au Nice Jazz Festival 2025

09-06
28:59

Nice a honoré les légendes du jazz

Du 24 au 27 juillet 2025, le Nice Jazz Festival, dans le Sud-Est de la France, a brillamment relevé le défi de réunir plusieurs générations de musiciens et interprètes en jouant sur les contrastes sonores. Tandis que la grande scène de la place Masséna offrait un panel de tempos très actuels, le théâtre de verdure misait sur le swing irrésistible de virtuoses aguerris en révérant les grandes figures d’antan. Les regrettés Oscar Peterson et Ray Brown reçurent les honneurs de leurs dignes héritiers. La soirée du 25 juillet commémorait le centenaire du pianiste canadien Oscar Peterson dont l’aura continue de nourrir l’inspiration de ses plus fervents disciples. C’est le jeune Sullivan Fortner qui eut la lourde responsabilité d’incarner, en toute liberté, le lyrisme de son auguste aîné. Il était toutefois secondé par deux instrumentistes de poids, le batteur Jeff Hamilton et le contrebassiste John Clayton. Ces deux fringants septuagénaires ont été les contemporains d’Oscar Peterson et ont su donner du relief au répertoire de ce vibrant hommage. « Quand on est un instrumentiste, quel que soit le style de musique, (classique, blues, country ou jazz), on cherche toujours en priorité, l’excellence. C’est ce qui impressionne l’auditeur. Un artiste qui a le contrôle sur son art est immédiatement identifié, qu’il soit chanteur ou musicien. Dès que vous avez atteint ce niveau d’excellence, votre interprétation devient limpide. Si ce n’est pas le cas, l’auditeur aura toutes les peines à comprendre votre intention artistique. Il se trouve qu’Oscar Peterson était un maître de la clarté, de la limpidité. Il n’est pas essentiel de jouer vite. Il faut d’abord maîtriser un langage musical. Oscar Peterson y est parvenu. Il excellait, il avait cette flamme vitale jazz originale. Si ce personnage vous intéresse, écoutez ses enregistrements en solo et en trio, vous aurez ainsi une idée assez précise de son immense talent. » (John Clayton au micro de Joe Farmer) La soirée du 26 juillet fut tout aussi vibrante. Un autre trio rompu à l’exercice du swing fit sensation. Le contrebassiste Christian McBride avait convié ses amis Benny Green et Gregory Hutchinson à le rejoindre sur scène pour revitaliser les œuvres de son illustre prédécesseur Ray Brown. Certes, ce n’est qu’en 2026 que ce pilier du jazz aurait fêté son 100e anniversaire mais perpétuer la tradition est un enjeu qui n’attend pas. Ainsi, ce merveilleux trio salua avec brio la mémoire de Feu Ray Brown en jouant avec les œuvres qu’il prenait plaisir à interpréter autrefois sur les scènes internationales. « Ray Brown a été l’un des contrebassistes les plus productifs et célébrés à travers la planète. Il a joué avec de très nombreux musiciens, de Charlie Parker à Geoff Keezer, en passant par Frank Sinatra, Ella Fitzgerald dont il a été l’époux. Son aura dans l’histoire du jazz perdure de générations en générations. Ray Brown avait un côté paternaliste dans le bon sens du terme. Il a été pour moi, comme pour bon nombre de musiciens, un second père. John Clayton, Benny Green, Greg Hutchison, Geoff Keezer, Russell Malone, Diana Krall, ont tous ressenti sa présence comme un réconfort paternel. J’ai rencontré Ray Brown en mars 1991. Je jouais à l’époque avec le pianiste Benny Green. Nous avions formé un duo ensemble. Nous nous produisions dans un club de New York, le Knickerbocker. Il se trouve que la manageuse de Benny Green était une bonne amie de Ray Brown. Elle nous a prévenus qu’elle allait inviter ce grand contrebassiste à assister à notre concert. Heureusement pour nous, Ray Brown a beaucoup apprécié notre prestation et, un an plus tard, Benny Green est devenu son pianiste. Ray Brown a ensuite créé le groupe "Super Bass" dans lequel mon camarade John Clayton et moi-même avons pu nous exprimer musicalement. J’étais très intimidé. C’est la première fois que je ressentais physiquement la tonalité ample et généreuse de la contrebasse sur laquelle jouait Ray Brown. Il était tout bonnement le meilleur ! » (Christian McBride sur RFI) L’édition 2025 du Nice Jazz Festival ravit les spectateurs car l’éclectisme affiché n’interdisait pas l’audace d’une programmation attentive à l’évolution du jazz. Après tout, ce rendez-vous estival du sud de la France existe depuis 1948 et fut parrainé par le trompettiste Louis Armstrong en personne. Son esprit plane certainement toujours au dessus de cette manifestation multiculturelle. Vivement 2026 ! ► Nice Jazz Fest 2026 - Site officiel   Titres diffusés cette semaine « Satin Doll » (Ellington/Strayhorn) par le John Clayton Trio – Live at Nice Jazz Festival 2025 « Con Alma » (Dizzy Gillespie) par le John Clayton Trio – Live at Nice Jazz Festival 2025 « Django » (John Lewis) par le John Clayton Trio – Live at Nice Jazz Festival 2025 « The Summer Wind » (Heinz Meier) par le Christian McBride Trio – Live at Nice Jazz Festival 2025 « Tanga » (Dizzy Gillespie) par le Christian McBride Trio – Live at Nice Jazz Festival 2025 « Nancy With a Laughing Face » (Jimmy Van Heusen) par le Christian McBride Trio – Live at Nice Jazz Festival 2025

08-30
28:59

Chapitre 4 : le Jazz Vocal

Le pianiste, compositeur, chef d’orchestre, auteur et pédagogue français, Laurent Cugny a fait paraître ce printemps chez Frémeaux & Associés un ouvrage didactique très accessible sobrement intitulé Une histoire du jazz. Des balbutiements swing à la fin du XIXè siècle aux mutations stylistiques des années 1990, c’est une épopée musicale et sociale unique qui a rythmé et narré le quotidien des Afro-Américains au fil des décennies. La voix est certainement le reflet de l’âme. Alors que les instrumentistes ont accompagné, épousé, accéléré, les mutations stylistiques du jazz depuis un siècle, l’art vocal a conservé cette vibration intangible qui échappe aux genres et aux classifications. Certes, un chanteur de blues n’articule pas les mots comme un ténor à l’opéra mais, dans ces deux contextes spécifiques, l’authenticité de l’interprétation suscite une émotion. Quelle que soit la tessiture, la vérité d’un chant touche irrésistiblement l’auditeur. Cette qualité intrinsèque est une constante dans l’histoire des musiques afro-américaines et du jazz en particulier. Quand les esclaves africains se donnaient du courage en entonnant des mélodies scandées par la répétition de leurs gestes au labeur, l’expressivité de ces complaintes ne pouvait être que sincère. L’honnêteté d’une voix est immédiatement perceptible. Elle traduit un vécu que la communauté noire outre-Atlantique a sublimé en art séculaire. Sacré ou profane, le répertoire importe peu quand faire entendre sa voix devient un exutoire à une vie de douleurs. Écouter le timbre, pourtant très distinct, de Louis Armstrong, Mahalia Jackson ou B.B. King révèle instantanément une destinée qui ne peut être feinte. Cette indicible résilience a nourri un profond sentiment d’appartenance à une communauté guidée par un désir de liberté pleine et entière. Des générations de chanteurs et chanteuses ont porté ce vœu de justice et d’égalité par le simple fait de s’approprier la poésie de leur époque. Un air traditionnel peut narrer l’histoire d’un peuple, évoquer une aventure humaine, rendre hommage aux aînés, célébrer une culture, tant que l’inaltérable vigueur vocale sait la restituer. Le jeune chanteur Tyreek McDole, par exemple, a en lui la sève de ses ancêtres haïtiens et le savoir de ses aînés américains. Il est, à 25 ans, l’héritier d’une mémoire vocale jazz qui se transmet irrémédiablement depuis plus d’un siècle. ⇒ Une histoire du jazz, de Laurent Cugny, chez Frémeaux & Associés. Titres diffusés cette semaine : « My baby just cares for me » par Nina Simone (Frémeaux & Associés) « Backwater blues » par Bessie Smith (Frémeaux & Associés) « Embraceable you » par Sarah Vaughan (Frémeaux & Associés) « Sweet Lorraine » par Nat King Cole (Frémeaux & Associés) « Wongolo Walé » par Tyreek McDole (Artwork Records)

08-23
29:00

Chapitre 3 : le World Jazz

Le pianiste, compositeur, chef d’orchestre, auteur et pédagogue français, Laurent Cugny a fait paraître ce printemps, chez Frémeaux & Associés, un ouvrage didactique très accessible sobrement intitulé « Une histoire du jazz ». Des balbutiements swing à la fin du XIXè siècle aux mutations stylistiques des années 1990, c’est une épopée musicale et sociale unique qui a rythmé et narré le quotidien des Afro-Américains au fil des décennies. De longue date, le jazz s’est nourri de cultures rencontrées en chemin. Le trompettiste Dizzy Gillespie, par exemple, s’est très tôt inspiré des musiques cubaines pour donner à son orchestre une tonalité enracinée dans les traditions latines. Cette propension à jouer avec les accents caribéens n’est donc pas une trouvaille stylistique saugrenue. La fusion des sources créatives a dessiné les contours d’une évidente créolisation du swing afro-américain. L’internationalisation du dialogue sonore entre instrumentistes d’horizons très divers profitera d’ailleurs, au début des années 70, de l’idéalisme sociale hippie plus altruiste et ouvert sur le monde. Le pianiste Randy Weston entrera dans la transe irrésistible des gnawas du Maroc. Le guitariste John McLaughlin créera Shakti et convolera avec les maîtres des tablas indiens. Le « World Jazz » n’est alors plus une simple appellation, il devient une réalité. Ce marqueur temporel sera déterminant. Il modèlera les choix artistiques de milliers de compositeurs et d’interprètes. Les limites géographiques, les barrières linguistiques, les origines culturelles, ne seront plus des obstacles insurmontables. L’industrie du disque accompagnera même ces hybridations rythmiques et harmoniques en misant sur la globalisation d’un marché en pleine expansion. Aujourd’hui, les dénominations commerciales existent toujours mais elles se heurtent à l’inventivité toujours plus audacieuse de musiciens aux quatre coins de la planète. Les catégories ne sont que des repères pour consommateurs égarés dans les méandres d’un jazz protéiforme. Internet a universalisé les productions et bousculé la linéarité d’une forme d’expression centenaire dont les contours semblent plus diffus. Depuis 50 ans, l’engouement pour les expériences multiculturelles s’est accru. Les poussées de fièvre musicales d’autrefois, clairement identifiées et arrimées à des époques de bouleversements socioculturels, semblent disparaître au profit d’une myriade de petites révolutions sonores dont la flagrante valeur se révèle lors de prestations en public. Le swing n’a pas disparu. Il s’exprime autrement… ⇒ «Une histoire du jazz», de Laurent Cugny, éditions Frémeaux & Associés.   Titres diffusés cette semaine : « Tanjah » par Randy Weston (Polydor) « Afroblue » par McCoy Tyner (Impulse Records) « Salt Peanuts » par Steve Coleman (BMG) « Salamero » par Laurent Cugny (Frémeaux & Associés).

08-16
29:12

Chapitre 2 : la naissance du swing

Le pianiste, compositeur, chef d’orchestre, auteur et pédagogue français, Laurent Cugny a fait paraître ce printemps chez Frémeaux & Associés un ouvrage didactique très accessible sobrement intitulé « Une histoire du jazz ». Des balbutiements swing à la fin du XIXè siècle aux mutations stylistiques des années 1990, c’est une épopée musicale et sociale unique qui a rythmé et narré le quotidien des afro-américains au fil des décennies. Qui fut le premier jazzman ? Cette question taraude l’esprit de nombreux musicologues et historiens depuis des décennies. Le pianiste et chanteur néo-orléanais, Jelly Roll Morton, s’était autoproclamé « inventeur du jazz » dès les années 1900. Cette affirmation audacieuse traduit toutefois une réalité incontestable : la genèse de cette forme d’expression a bien eu lieu au tournant du XXè siècle. De cette première étape fondatrice, localisée principalement à La Nouvelle-Orléans, germa une foultitude d’acrobaties rythmiques et harmoniques dont les échos continuent de nourrir « L’épopée des Musiques Noires ». Si l’on considère communément que « l’Original Dixieland Jazz Band », emmené par cornettiste Nick La Rocca, fut l’ébauche initiale du swing, documentée en 1917 par un enregistrement historique, il convient de souligner l’apport des pionniers que furent King Olivier, Louis Armstrong ou Sidney Bechet, dont la science de l’écriture et le sens de l’improvisation hissèrent la virtuosité en art majeur. Ces figures tutélaires ont ouvert la voie aux grandes formations rutilantes des années 1930 et accompagné les bouleversements sociaux d’une Amérique encore très conservatrice. Est-il, pour autant, juste d’associer l’esprit frondeur de tous ces instrumentistes chevronnés aux soubresauts de la communauté noire outre-Atlantique ? Les révolutions stylistiques marquent-elles les fractures du temps ? Laurent Cugny s’autorise un bémol dans cette lecture un peu trop simpliste et réductrice de la lente progression du vocabulaire jazz. Le be-bop des années 1940 doit-il être présenté comme une poussée d’urticaire d’une génération contestataire ? Il est évident que les Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Thelonious Monk, ont bousculé l’écoute et l’interprétation du jazz mais cette audace était-elle subite ? Ne doit-on pas percevoir l’inventivité des créateurs comme l’évolution fructueuse d’un idiome en constant renouvellement. Cette interrogation légitime se pose chaque fois qu’un artiste ose triturer un héritage qu’il se plaît à malmener ou magnifier. En tout état de cause, ses œuvres ne peuvent que répondre à un passé assumé et compris. Lorsque le free jazz vint perturber, dans les années 60, la sérénité des amateurs de swing soyeux, ne trouvait-il pas sa source dans une maîtrise de la composition léguée par les aînés ? Quoi qu’en disent les éternels ronchons toujours prompts à redessiner les contours de l’histoire, les secousses musicales les plus radicales entrent toujours dans une linéarité qui épouse l’air du temps… au moins jusqu’aux années 70 ! ⇒ Une histoire du jazz, de Laurent Cugny, chez Frémeaux & Associés.   Titres diffusés cette semaine :  -  « Black Bottom Stomp » par Jelly Roll Morton (Frémeaux & Associés) - « Hotter Than That » par Louis Armstrong (Frémeaux & Associés) - « Jumpin’ at the woodside » par Count Basie (Frémeaux & Associés) - « Blue in Green » par Miles Davis (Columbia Records) - « Donna Lee » par Jaco Pastorius (Epic Records).

08-09
28:59

Chapitre 1 : la préhistoire du jazz

Le pianiste, compositeur, chef d’orchestre, auteur et pédagogue français, Laurent Cugny a fait paraître, ce printemps, chez Frémeaux & Associés un ouvrage didactique très accessible sobrement intitulé « Une histoire du jazz ». Des balbutiements swing à la fin du XIXè siècle aux mutations stylistiques des années 1990, c’est une épopée musicale et sociale unique qui a rythmé et narré le quotidien des Afro-Américains au fil des décennies. Décréter que Louis Armstrong fut le principal instigateur d’une révolution culturelle, il y a un siècle outre-Atlantique, est un raccourci de l’histoire quand tant de protagonistes ont pris part à cette aventure humaine. Pour comprendre le cheminement glorieux de ce chanteur et trompettiste virtuose, il faut remonter dans le temps et tenter d’identifier les sources de sa créativité débordante. La destinée des Noirs d’Amérique est d’abord un long, douloureux et périlleux périple qui les mènera des côtes africaines aux rivages du « nouveau Monde ». Arrachés à leur terre, ils devront trouver une manière de résister aux injonctions et humiliations. La musique, les chants, les incantations cadencées, seront cet exutoire indispensable à toute vie humaine privée de liberté. L’hybridation progressive des cultures africaines et européennes sur le sol américain va donner naissance à plusieurs formes d’expression. Les « spirituals » seront certainement la première manifestation visible de l’endoctrinement religieux des esclaves par les colons, autoproclamés détenteurs de la bienséance et des valeurs morales. Ce répertoire sacré va dessiner les contours d’un paysage sonore dont les Africains-Américains s’empareront lentement pour faire entendre leur voix. L’appropriation de ce vocabulaire harmonique et rythmique par la population noire opprimée accompagnera l’élan de résilience. Les ferventes interprétations des cantiques nourriront un esprit de contestation communautaire. Le blues acoustique des origines est également annonciateur d’une fronde en gestation. Musique profane, elle narre avec simplicité et acuité le quotidien d’hommes et de femmes contraints de se plier aux injonctions d’un système social inégalitaire et cruel. Cet idiome spécifique fut également porteur de revendications que l’oppresseur blanc ne soupçonnait pas forcément. Les titres, comme les paroles des chansons, pouvaient dissimuler des messages à destination des plus téméraires fugueurs épris de justice. Le risque était réel mais le blues était une espérance. Comment le jazz a-t-il pu naître de ce maelström multiculturel ? Il est justement le fruit de ce choc afro-européen qui a modelé le swing américain. Les harmonies classiques européennes ont percuté les rythmes percussifs africains, une identité métisse a vu le jour et a irrigué l’inspiration d’instrumentistes talentueux symbolisée par la figure rayonnante de Feu Louis Armstrong. ⇒ Le site de Frémeaux & Associés. Titres diffusés cette semaine : « Wild Man Blues » par Louis Armstrong (Frémeaux & Associés) « Deep River » par Marian Anderson (Frémeaux & Associés) « Kind Hearted Woman Blues » par Robert Johnson (Frémeaux & Associés) « Maple Leaf Rag » par Scott Joplin (Frémeaux & Associés).

08-02
29:12

En big bands ou en duos, ils viennent tous à Vienne !

Du 26 juin au 11 juillet 2025, le festival «Jazz à Vienne» en France a réuni une famille d’indéniables virtuoses. Au-delà de la notoriété des artistes, c’est un désir d’ouverture culturelle qui a prévalu. La créolité de cette 44è édition n’a échappé à personne. Du piano jamaïcain jazz de Monty Alexander aux saillies afrobeat de Seun Kuti, les nuances de couleurs sonores ont enthousiasmé le public ! Si le théâtre antique de Vienne reste le cœur battant de ce rendez-vous estival majeur, d’autres lieux scintillent chaque été durant les quinze jours de festivités. Les jardins de Cybèle ou le théâtre François Ponsard, notamment, vibrent sur les rythmes et harmonies d’instrumentistes aguerris. Le 6 juillet fut la journée des duos. Ce jour-là, deux binômes de grand talent ont ravi les oreilles de spectateurs attentifs et curieux. Sébastien Giniaux et Chérif Soumano ont d’abord, et de bon matin, livré au musée gallo-romain de Saint-Romain en Gal une délicate prestation portée par la poésie des cordes, celle de la kora, de la guitare et du violoncelle. Leur projet African Variations a fait mouche en conjuguant avec goût des traditions musicales authentiques enracinées dans le terroir afro-européen. Quelques heures plus tard, un autre couple irrésistible captiva les 7 500 amateurs de blues venus, à l’origine, applaudir Ben Harper. Les Mountain Men ont bien failli voler la vedette à leur illustre homologue américain en assurant une première partie idéale. Mister Mat et Barefoot Iano, respectivement guitariste et harmoniciste, ont su donner de l’éclat à leur répertoire et gagner l’approbation d’une foule charmée par leur vigueur, leur humour et leur inventivité. À l’issue de leur brève mais réjouissante performance, les vivats des festivaliers les retenaient sur scène. Nos deux souriants héros d’un soir n’auraient pu espérer mieux pour annoncer avec confiance et détermination la sortie prochaine d’un nouvel album. Les musiques traditionnelles, qu’elles soient africaines, américaines, caribéennes, européennes, sont les matrices de notre paysage sonore actuel. Le festival Jazz à Vienne le démontre chaque année depuis 44 ans en invitant leurs plus dignes représentants. Peu importe les différences culturelles ou géographiques, seul compte la sincérité des interprètes. Un simple duo peut vous émouvoir et vous emmener dans un périple sensoriel et mémoriel unique. Les Mountain Men et African Variations ont réussi cet exploit. Qu’ils en soient remerciés ! ⇒ Le site du Festival de Jazz à Vienne ⇒ Le site du groupe Mountain Men ⇒ Le site du groupe African Variations   Titres diffusés cette semaine : - « Deux voix, deux mesures » par African Variations (LDC Music) - « La ronde des oiseaux » par African Variations (LDC Music) - « Kita » par African Variations (LDC Music) - « Toubaka » par African Variations (LDC Music) - «  Never give up » par The Mountain Men (Écho Productions) - « Ride it all away » par The Mountain Men (Écho Productions) - « Egotistical » par The Mountain Men (Écho Productions)

07-26
28:59

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