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Le grand invité Afrique
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Le grand invité Afrique

Author: RFI

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Du lundi au samedi, Christophe Boisbouvier reçoit un acteur de l'actualité africaine, chef d'État ou rebelle, footballeur ou avocate... Le grand invité Afrique, c'est parfois polémique, mais ce n'est jamais langue de bois.

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Il était le fugitif le plus recherché de Guinée. Après plusieurs mois de cavale, le colonel Claude Pivi a été arrêté au Liberia. Selon une source, des négociations seraient déjà en cours entre les autorités guinéennes et libériennes concernant son éventuelle extradition, souhaitée par Conakry. Sur le sujet, le président du Conseil national de la transition, le médecin Dansa Kourouma se dit confiant au micro de Christophe Boisbouvier. Il s'exprime aussi sur le régime militaire du général Mamadi Doumbouya qui s'apprête à faire adopter une nouvelle Constitution par référendum, le fait qu'aucune date ne soit encore fixée pour ce scrutin et que personne ne sache si le général Doumbouya sera candidat ou non à la présidentielle qui suivra. RFI : On a appris hier l'arrestation du colonel Claude Pivi qui était en cavale depuis 10 mois, est-ce qu'il préparait un coup ?Dansa Kourouma : D’après les informations, la Guinée courait des risques sérieux d'insécurité le long de sa frontière avec le Liberia. Ces informations nous ont été rapportées par l'intermédiaire de nos amis qui vivent au Liberia.Qu'est-ce que va devenir le colonel Pivi, maintenant qu'il est prisonnier au Liberia ?C'est le mettre, tout simplement, à la disposition de la justice guinéenne, pour qu'il puisse purger sa peine.Mais êtes-vous certain que les autorités du Libéria vont accepter de l'extrader ?Le Libéria est un État de droit et j'ai confiance aux autorités libériennes.Dansa Kourouma, le Conseil national de la transition que vous présidez vient de présenter l'avant-projet de la future Constitution. Quelles sont les principales nouveautés ?La première innovation, c'est l'affirmation de l'identité guinéenne, notamment l'enseignement des langues nationales et la traduction des actes officiels de l'État dans les langues nationales, pour plus de compréhension de la loi. L'autre innovation qui est extrêmement importante, nous avons souscrit, cette fois-ci, à un Parlement bicaméral. La Guinée, depuis l'indépendance, a connu un Parlement monocaméral, une seule chambre.Une Assemblée nationale ?Une Assemblée nationale.  Aujourd'hui, l'avant-projet propose au peuple de Guinée, à sa demande d'ailleurs, un Sénat qui est composé de personnalités élues par les membres des conseils régionaux et les membres des conseils locaux. C'est à dire l'inclusion de la diversité ethnique dans la conduite de l'action politique. C'est pourquoi le Sénat devient le garant de la participation équitable des régions dans la conduite de l'action publique.Docteur Dansa Kourouma, dans la Charte de transition qui régit le pays depuis le coup d'État de septembre 2021, il est écrit, article 46, que le président de cette transition ne peut pas faire acte de candidature aux élections nationales qui marqueront la fin de la transition. Pourquoi cet article ne figure-t-il pas dans votre avant-projet ?La charte de la transition était un acte transitoire, la Constitution est une loi suprême ou une loi fondamentale qui va régir la vie politique, sociale, économique de la Guinée, les 30 années ou les 50 années à venir. Aucune constitution n'a mentionné des catégories de personnes qui ne peuvent faire acte de candidature à une élection. C'est pourquoi, pour respecter le caractère général, le caractère impersonnel et intemporel de la Constitution, nous n'avons pas voulu rentrer dans ces détails.Alors l'article 46 de la Charte de transition sur la non-candidature des militaires du CNRD, c'est un article intangible. Du coup, l'opposition dit que cet article n'est pas de nature à individualiser la Constitution et qu'il peut au contraire, s'il est introduit dans l'avant-projet, rendre effectif le respect des dispositions proclamées intangibles dans la Charte de transition ?Le caractère général, le caractère impersonnel… Une constitution est une norme juridique suprême. Nous ne pouvons pas inventer un précédent en matière d'écriture des normes constitutionnelles.Pour l'opposant Cellou Dalein Diallo, il ne fait plus aucun doute que le général Doumbouya va être candidat. Est-ce que, de fait, l'absence de cet article 46 de la Charte dans votre avant-projet, ça ne préfigure pas une candidature à venir du chef de la transition ?Jusqu' à preuve du contraire, nous n'avons vu aucun acte de la part du général par rapport à : pour ou contre sa candidature.En tout cas, rien ne s'oppose à ce qu'il soit candidat désormais ?En règle générale, une constitution n'établit pas une liste de personnes qui peuvent être candidates ou pas.À plusieurs reprises, les militaires du CNRD se sont engagés à ce que la transition prenne fin le 31 décembre prochain. Mais ce référendum constitutionnel aura-t-il lieu avant le 31 décembre ?En tout cas, toutes les conditions sont réunies pour que le référendum soit possible d'ici le 31 décembre.Le 9 juillet dernier, les deux grandes figures de la société civile et du FNDC, Messieurs Foniké Mengué et Mamadou Billo Bah, ont été enlevées à Conakry par des militaires. Est-ce que vous avez de leurs nouvelles ?Je ne peux pas vous donner de nouvelles ou d’informations officielles sur eux, mais ce qui est important et ce que je peux dire avec certitude, c’est que les autorités judiciaires sont vent debout pour pouvoir trouver des indices sur ces deux compatriotes. Et le procureur général auprès du Parquet de Conakry a déjà fait un communiqué là-dessus et a instruit des officiers de police judiciaire à enquêter pour trouver les traces et les indices de nos deux compatriotes. Ils ne sont pas deux, il y a d'autres compatriotes qui sont dans la même situation.Leurs familles n'ont aucun accès à eux, personne ne peut les voir, personne ne sait où ils sont. Est ce qu'on n'est pas dans la plus grande illégalité ?Écoutez, nous souhaitons que nos deux compatriotes rentrent à la maison, sains et saufs. À lire aussiGuinée: le colonel Claude Pivi, condamné par contumace pour le massacre du 28-Septembre, a été arrêté au LiberiaÀ lire aussiLa Guinée dévoile son projet de Constitution limitant le pouvoir du président à deux mandats
Le Jnim a revendiqué l'attaque contre Bamako, son école de gendarmerie et l'aéroport. Pourquoi cette cible ? Quelles conséquences pour le régime militaire du colonel Assimi Goïta ? Arthur Banga est enseignant-chercheur et spécialiste des questions de défense à l'université Félix-Houphouët-Boigny d'Abidjan. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.  RFI : Arthur Banga, est-ce que vous êtes surpris par cette attaque revendiquée par le JNIM, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans ?Arthur Banga : Pas vraiment, parce qu'on savait, plus ou moins, que les groupes terroristes commençaient à reprendre du poil de la bête au Mali, généralement dans le nord et dans le centre. Mais la surprise, c'est que cette attaque touche Bamako aujourd'hui. C'est un peu cela, la grosse surprise du moment. On s'attendait à des combats, comme on en a vu la semaine passée, dans le nord et dans le centre du Mali. On ne s’attendait quand même pas à ce que Bamako – et principalement des cibles militaires, même pas des cibles civiles – soient prises d'assaut, hier matin.Les jihadistes s'en sont pris notamment à la base 101, située dans la zone aéroportuaire de Bamako. Savez-vous pourquoi cette cible ?Sans doute, pour essayer de ralentir les activités de l'armée de l'air malienne, parce que l'on voit que la supériorité des Forces armées maliennes (FAMA) et de leurs alliés est d'abord aérienne. Cibler l'armée de l'air malienne, c'est quelque chose d'assez bien réfléchi du point de vue opérationnel et du point de vue psychologique.Est-ce que les drones ont donné une supériorité militaire aux FAMA ces dernières années ?Oui, ça leur a permis de pouvoir mener des opérations et de pouvoir prendre la supériorité dans l'air. Donc c'est important pour les groupes terroristes de pouvoir ralentir un peu ce facteur qui permet à l'armée malienne d'avoir une supériorité opérationnelle.Est-ce que vous savez si des drones ou des rampes de lancement de drones ont été détruits pendant cette attaque ?Pour l'instant, c'est trop tôt pour le dire, mais je pense que, dans les jours à venir, on saura exactement les dégâts qui ont été causés. Même si le Jnim, dans son communiqué, insiste sur le fait d'avoir atteint la capacité opérationnelle de l'armée malienne. On peut donc dire que qu’il pense avoir atteint des drones ou des avions, ou avoir au moins endommagé la piste pour ralentir les capacités de projection de l’armée malienne.Cela dit, le chef d'état-major général des armées maliennes, le général Diarra, affirme que les terroristes infiltrés ont été neutralisés.Je pense que, dans ce genre d'opération, ce sont des kamikazes. Je pense que les terroristes qui ont été lancés à l'assaut de l'armée malienne savaient très bien que leur mort était certaine. De ce point de vue, l’armée malienne a réussi à les neutraliser. En termes opérationnels, c'est bien comme réponse, mais je pense que, dans le calcul du Jnim, les jihadistes n'ont pas mené cette attaque pour occuper l'école de gendarmerie ou la base de l'armée de l'air. Ils ont mené cette attaque pour pouvoir montrer qu'ils peuvent et qu'ils ont la capacité, aujourd'hui, de frapper au cœur de Bamako. De ce point de vue-là, oui, c'est une réussite pour eux, même s'il faut dire bravo à l'armée malienne qui a pu réagir à temps et neutraliser les jihadistes de la journée d'hier.Sur cette base 101, située dans la zone aéroportuaire de Bamako, il y aurait aussi des supplétifs russes du groupe Wagner. Est-ce que vous confirmez ?J'ai envie de dire qu'aujourd'hui, toute opération de l'armée malienne est faite – et c'est totalement assumé – avec ses partenaires russes, donc il faut s'attendre à leur présence dans ce secteur. C'est normal aujourd'hui. Je pense que les partenaires russes de l'armée malienne sont aussi une cible pour tous les adversaires potentiels de l'armée malienne.Alors certains observateurs font le rapprochement avec, il y a deux ans, l'attaque jihadiste contre le camp militaire de Kati, à 15 km au nord de Bamako.Oui, c’est le même objectif, à peu près. Quand il s'agit de toucher des bases militaires ou des centres militaires à Bamako, le message est très clair : il s'agit de montrer que le Jnim a la capacité d'agir sur Bamako. Et cela montre que les jihadistes savent coordonner des opérations depuis leurs bases, sans doute du nord ou du centre, qu'ils ont encore des cellules dormantes dans Bamako, qui savent faire peur à la fois à la population et aux FAMA. Mais on voit bien qu'hier, ça a été beaucoup plus coordonné, parce qu'il y a eu à la fois plusieurs sites qui ont été ciblés, contrairement à ce qui s'était passé il y a deux ans. Et là, je pense qu'on est dans une opération qui était bien plus importante.D'un point de vue politique, est-ce que cette opération jihadiste peut renforcer le prestige et la popularité du colonel Assimi Goïta auprès de la population ou va, au contraire, le fragiliser ?Il y a deux choses. D'abord, naturellement, dans ce genre de situation, le premier réflexe, c'est d'être patriote. Le premier réflexe, c'est d'avoir de la compassion pour ces Forces armées maliennes qui se battent au quotidien et donc, naturellement, le colonel Goïta peut en tirer profit. Mais, de l'autre côté, il faut faire attention pour lui-même, parce qu'il s'était engagé à ramener la sécurité et, aujourd'hui, cela va remettre en question sa stratégie pour ramener la sécurité au Mali. Et sans doute, les opposants, notamment les opposants en exil, ne manqueront pas de rappeler que, finalement, après près de quatre ans, la junte militaire n'arrive pas, elle aussi, à répondre aux questions sécuritaires, en dépit du changement de partenaire, en dépit de tout ce qui est annoncé. De ce point de vue-là, ça peut poser un problème.À lire aussiMali: les attaques jihadistes d'envergure du Jnim à Bamako, des attentats symboliques
Près de 40 morts, 400 000 personnes déplacées. Dans le nord du Nigeria, à Maiduguri, la crise humanitaire reste majeure. Il y a 7 jours, le barrage d’Alau situé à 20 kilomètres de la capitale de l’État de Borno cédait suite à des pluies diluviennes. Une catastrophe qui s’ajoute à la crise alimentaire et sécuritaire qui frappe tout le nord du Nigeria. Situation de crise donc que tente de juguler les autorités locales avec l’appui des Nations unies. Notre grand invité Afrique ce mardi est Mohammed Malick Fall, il est sous-secrétaire général de l’ONU, coordonnateur résident au Nigéria, en charge notamment de la réponse humanitaire.  RFI : Mohammed Malick Fall, une semaine après la rupture du barrage d’Alau, est ce que la situation humanitaire est aujourd'hui stabilisée ?Mohammed Malick Fall : On ne peut pas encore parler de stabilisation. J'étais à Maiduguri avant hier et j'ai pu voir que non seulement le nombre de personnes affectées est en train d'augmenter on parle de 400000, mais le nombre de personnes déplacées aussi en train d'augmenter. On a dépassé les 100000 déplacées. Les conditions sont horribles, une forte congestion, quelquefois des conditions d'assainissement et d'hygiène qui sont extrêmement limitées. Le manque de nourriture, des enfants qui sont malades.  N'oublions pas que tout ça se passe sur un terrain qui était déjà très fragile, l'État de Borno est l'épicentre de la crise de Boko Haram depuis 2009. Et c'est dans ce contexte-là, que cette inondation vient à la limite nous faire reculer par rapport au travail qui était en train d'être entrepris pour résoudre la question des déplacés sur la durée.Vous venez de le dire, vous étiez à Maiduguri samedi. Concrètement, à quoi ressemble la capitale de l’État de Borno ?J'ai vu à une ville effectivement coupée en deux, une partie de la ville occupée par l'eau. Il y a des parties de la ville, qui ne sont toujours pas accessibles, il y a même des populations auxquelles on ne peut pas avoir accès, pour les faire sortir de leurs résidences où elles se trouvent en ce moment. Les efforts continuent de ce point de vue-là, mais on n'a pas une certitude que toutes les personnes ont pu être évacuées des lieux qui sont affectés par l'inondation.Six jours après, il y a encore de l'eau dans la ville ?Il y a encore beaucoup d'eau dans la ville. Et je crois que cette eau-là, va rester encore longtemps.Cette catastrophe survient aussi en pleine crise alimentaire, notamment en pleine période de soudure ?Non seulement c'est une période de soudure, mais c'est aussi dans un contexte où, à cause des réformes économiques entreprises par la nouvelle administration, on a observé et on observe depuis plusieurs mois une inflation galopante, surtout une inflation sur les denrées alimentaires. On parle même de 40% d'inflation sur une année, en plus du fait maintenant qu'on est dans la période de soudure. La grosse crainte que j'ai et que j'observe, c'est aussi quel impact cette inondation va avoir sur les récoltes. Parce que si les gens sont empêchés de se livrer à des travaux champêtres, si l'eau compromet la récolte, on risque de se retrouver donc avec une saison encore plus difficile que prévu.  Alors que tous nos espoirs, c'était qu'il y ait une bonne saison et une bonne récolte pour avoir plus de disponibilité de produits alimentaires sur le marché.Vous lancez déjà un appel à la vigilance et justement à anticiper les mois à venir ?Je dois avouer que, en ce moment, les inondations affectent énormément d'États dans le Nord-est et Nord-ouest du Nigeria, dont la principale activité est l'agriculture. Donc c'est une alerte aussi, non seulement pour se mobiliser et sauver la vie des populations qui sont directement affectées. Faire une course contre la montre pour éviter les épidémies, je pense surtout au cholera, parce que l’on sait très bien aussi que, l'accès à l'eau potable, les limites d'accès à l'eau potable peuvent conduire à ces épidémies-là. Mais au-delà des besoins immédiats et au-delà des interventions immédiates pour sauver des vies ou réduire la vulnérabilité des personnes affectées, la question qu'il faut garder en perspective, c'est dans les semaines, dans les mois à venir. Si les récoltes sont compromises, qu'est-ce que cela va avoir comme conséquence sur la détérioration de l'accès à l'alimentation, de l'accès à des produits dont les gens ont besoin pour leur survie quotidienne ?On entend une réelle inquiétude ?Je suis très inquiet effectivement, parce que c'est une crise qui vient se superposer à d'autres crises et donc dans ces conditions-là, avoir une détérioration comme on est en train de le voir peuvent avoir des conséquences beaucoup plus graves qu'on ne le perçoit aujourd'hui.Derna en Libye il y a un an, Arbat au Soudan fin août, le barrage de Maiduguri la semaine passée, les catastrophes sur les barrages se multiplient. Comment prévenir ces accidents majeurs ?Tout ne se résume pas au changement climatique. Je crois aussi que la préparation des États à ce genre de catastrophe est quelque chose qu'il faut renforcer. Notamment, la surveillance et la maintenance de ces infrastructures comme les barrages, les ponts. Nous, les Nations –Unies, en tout cas, les leçons qu'on tire, c'est que, il va falloir renforcer, accélérer sur ce plan-là, éduquer les populations, s'assurer que les populations ne s'installent pas dans les zones qui sont très propices à ce genre de catastrophe. Et aussi mettre en place des systèmes d'alerte précoces qui permettent d'évacuer les populations et de les alerter avant que les catastrophes n’atteignent un certain niveau. Nigeria: la ville de Maiduguri sous les eaux après la rupture d'un barrage
En Afrique de l’Ouest, le Mali, le Burkina Faso et le Niger célèbrent, ce lundi 16 septembre 2024, le premier anniversaire de l’AES, l’Alliance des États du Sahel, ce regroupement anti-Cédéao qui avait, au début, des objectifs essentiellement militaires, et qui nourrit aujourd’hui de grandes ambitions politiques, économiques et monétaires. Mais est-ce que tous les ponts sont coupés avec la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) ? Ce n’est pas si sûr ! L’économiste français Olivier Vallée a été conseiller technique au Sahel, notamment au Niger, où il a gardé de précieux contacts. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : En se coupant des autres pays d'Afrique de l'Ouest et de la zone de libre-échange qu'est la Cédéao, est-ce que ces trois pays ne risquent pas de rencontrer des difficultés dans leurs importations et leurs exportations ? Olivier Vallée : Non, je ne pense pas, parce que quand on regarde les chiffres, le Bénin, la Guinée – tous les pays portuaires par lesquels s'acheminent des marchandises vers les pays de l'AES – ne sont pas des gros fournisseurs des États de l'AES. Et ces États de l'AES exportent massivement en dehors des pays de la Cédéao et même en dehors, aujourd'hui, des pays de l'Union européenne.Cette année 2024, le Niger espérait exporter près de 100 000 barils jour. Mais à la suite de la crise avec le Bénin, le Niger ne vend plus une goutte de pétrole. Est-ce que les pays de l'AES ne vont pas être obligés, quand même, de trouver des compromis avec leurs voisins ? Je ne sais pas si le compromis avec le Bénin est à l'ordre du jour, mais on ne peut pas dire que le Niger ne vend plus de pétrole. Il vend du pétrole raffiné parce qu'il y a une raffinerie à Zinder. Il vend du pétrole raffiné avec une quantité maintenant qui est en augmentation au Nigeria, au Tchad et au Mali. Donc il a un marché régional conséquent, il a un marché national, ce qui a permis d'ailleurs au Niger de baisser les prix à la pompe, en particulier du diesel et du pétrole lampant. Donc, le Niger ne souffre pas trop, pour l'instant, de la baisse de ses exportations de son pétrole brut cette fois-ci, parce qu'il le transforme. Pour ce qui est de l'avenir proche, le Niger explore d'autres voies d'évacuation de son pétrole que Cotonou et je pense que ça a été l'objet des discussions lors de la visite du Premier ministre du Niger à Pékin, lors du sommet Chine-Afrique, qui serait éventuellement de faire partir une partie du pétrole vers le Tchad et ensuite de le faire redescendre vers Kribi [au Cameroun, NDLR] et de se greffer sur un pipeline qui irait vers le Maghreb et qui évacuerait le pétrole nigérian et le pétrole nigérien.Donc, lors du sommet de Pékin, le Premier ministre nigérien Lamine Zeine a parlé avec plusieurs de ses voisins de « pipeline alternatif », si j'ose dire ? Oui, tout à fait, et en particulier avec le partenaire chinois.Qui serait d'accord pour renoncer à l'utilisation du pipeline déjà construit entre le Niger et le Bénin ? Je pense que ce pipeline, il est pour l'instant hors de question pour les autorités nigériennes, par rapport à l'attitude du président béninois Patrice Talon, aux menaces en tout cas qu'ils estiment peser sur la sécurité du Niger, de l'utiliser.« Avec la Cédéao, on va se parler et identifier des moyens de coexistence », a déclaré le ministre malien des Affaires étrangères. C'était en juillet dernier, lors d'un colloque à Bruxelles. Est-ce que l'AES et la Cédéao commencent à se reparler ? Ce n'est pas par hasard que c'est Monsieur Diop, le ministre malien, qui se préoccupe d'une coexistence plus harmonieuse avec la Cédéao, parce que c'est le Mali qui est le pays le plus exposé à des rétorsions d'un pays de la Cédéao. Là, en l'occurrence, c'est la Côte d'Ivoire qui vient de rétablir – comme elle le fait d'ailleurs périodiquement – des cartes de séjour payantes avec des tarifs élevés. Et donc la diaspora malienne, qui est très importante, ne roule pas, n'est pas favorable aux orientations de son gouvernement au sein de l'AES. Donc il est évident que, par le biais de rapprochement avec la Cédéao, le ministre Diop parle pour tous les citoyens de l'AES qui se trouvent dans des pays côtiers de façon à ce qu'ils ne se trouvent pas en butte à des conditions trop détériorées. Parce que, bien entendu, ça a énormément d'impact sur la popularité des deux comités militaires qui dirigent le Mali et le Burkina Faso.Donc via les diasporas malienne et burkinabè en Côte d'Ivoire, Abidjan a des moyens de pression sur Bamako et Ouagadougou ?Ce n'est pas directement un moyen de pression, mais la Cédéao, d'une façon bien molle il est vrai, permettait un arbitrage ou un recours. Et c'est peut-être cette espèce de demi arrangement que le ministre Diop sollicite pour les diasporas burkinabè et malienne.
Avec notre invitée ce samedi matin, nous allons parler d’un livre ludique et instructif sur l’histoire de l’Afrique et de ses héros. Les Icônes de Kimia – c’est le titre de cette série de livres – raconte aux plus jeunes l’histoire du continent, à travers les moments forts de son passé, et les personnalités qui l’ont incarné. Le tome III vient de paraître. Avec cette collection, Karen Adédiran Nganda (qui a écrit l’ouvrage) entend valoriser l'héritage africain pour les enfants. Elle répond aux questions de Frédéric Garat.
Au Sénégal, le président Bassirou Diomaye Faye a annoncé, hier, jeudi 12 septembre au soir, la dissolution de l'Assemblée nationale, dont la majorité lui était hostile. Après la présidentielle du 24 mars dernier, les Sénégalais retourneront donc aux urnes, le 17 novembre prochain, pour élire leurs députés. Le chef de l'État était-il vraiment obligé de dissoudre ? Et son parti, le Pastef, ne prend-il pas un risque en allant à ces législatives ? Mamadou Lamine Sarr est enseignant-chercheur à l'université numérique Cheikh Amidou Kane. En ligne de Dakar, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Mamadou Lamine Sarr, êtes-vous êtes surpris par l'annonce de cette dissolution ? Mamadou Lamine Sarr : Non, ce n'est pas une surprise en soi. On s'attendait à cette dissolution. La question qui se posait, c'était quand et comment il allait le faire. Mais on s'attendait bien évidemment à une dissolution parce que le président n'avait pas tous les moyens pour agir et mettre en place sa politique. Donc en soi, ce n'est pas une surprise.Mais le président a quand même eu des mots assez sévères contre la majorité parlementaire, qu'il a accusée de « ramer à contre-courant de la volonté du peuple » et d'être dans une culture de « blocage ».Oui, ce sont des mots qui peuvent sembler effectivement durs, notamment pour l'opposition. Mais je pense que cela illustre la polarisation encore forte, du fait que l'opposition et la majorité présidentielle n'ont jamais su trouver un point d'équilibre, qu'on peut appeler un point républicain, pour discuter des grands sujets. D'une part, l'opposition n'a peut-être pas encore admis totalement sa défaite à l'élection présidentielle. Et d’autre part, le camp présidentiel, le camp du président Diomaye Faye, peut-être pressé également de répondre aux attentes des Sénégalais, n'a pas également été peut-être assez à l'écoute de l'opposition. Donc, on a un « discours de sourds », une discussion de sourds malheureusement.Est-ce que les derniers votes à l'Assemblée nationale ont montré que la situation était bloquée ? Oui, tout à fait. Les derniers projets de lois qui ont été rejeté, notamment sur la dissolution de deux organes de l'État du Sénégal et le positionnement de l'opposition, ont illustré cela. Donc, inévitablement, je pense que s'il y avait eu une autre issue sur ce projet de loi-là, peut-être que des discussions et des échanges auraient été plus possibles et que peut être cela aurait permis au président de ne pas dissoudre tout de suite le Parlement en prenant cela comme gage de bonne foi de l'opposition. Mais dans son discours, il l’a dit, c'est vraiment peut-être ces deux dernières semaines qui ont fait que cette décision était inéluctable pour le président de la République.Et si le président n'avait pas dissous, l'Assemblée aurait-elle essayé de faire passer une motion de censure contre son gouvernement ?En tout cas, oui, c'est une menace qui a été brandie par l'opposition. Donc, à mon avis, autant on peut critiquer le comportement peut-être, ou certains discours du camp présidentiel, autant également on peut se plaindre en tout cas d'un certain type de discours. Voilà que le Premier ministre n'est pas encore là, n'a pas encore fait de déclaration de politique générale, et on parle déjà de motion de censure, et cetera. Donc on ne montre pas, à mon avis, en disant cela, à un pas vers des échanges qui seraient fructueux et qui seraient bénéfiques à la population sénégalaise.Alors, après trois mois de bras de fer avec l'Assemblée nationale, le Premier ministre Ousmane Sonko avait finalement accepté ces derniers jours de faire sa déclaration de politique générale devant la Chambre. Cette déclaration devait avoir lieu ce vendredi 13, mais après la dissolution annoncée hier soir par le président, est-ce que cette déclaration de politique générale tient toujours ? À mon avis, non. On pourrait avoir confirmation avec nos amis constitutionnalistes ou juristes. Mais non. Dès l'instant que le Parlement est dissous, je pense que les dés sont jetés.Alors, pour ces élections législatives annoncées le 17 novembre, le parti au pouvoir Pastef semble partir très confiant, notamment parce que son candidat, Bassirou Diomaye Faye, a obtenu 54 % des voix à la présidentielle de mars dernier. Mais est-ce que le Pastef ne risque pas quand même d'être victime d'usure du pouvoir ? A mon avis, il serait peut-être un peu trop tôt de parler d'usure du pouvoir. C'est là tout le défi d'ailleurs, c'est la teneur du discours que le Pastef va servir aux Sénégalais en leur disant : « vous nous avez élus avec une forte majorité au premier tour. Donc, si vous voulez qu'on mette en place nos réformes en faveur de l'emploi, on a besoin de cette majorité au Parlement ». C'est ce discours-là, à mon avis, qui sera servi aux Sénégalais. Donc, la forte coalition avec le Pastef, mais aussi avec d'autres partis qui ont porté le président Diomaye Faye au pouvoir, va se préparer. Même chose pour l'opposition, même si elle semble peut-être un peu plus divisée aujourd'hui. Mais c'est ça qui risque en tout cas de faire vivre la campagne jusqu'aux élections du 17 novembre.Donc vous ne pensez pas que les Sénégalais vont changer d'avis entre le mois de mars et le mois de novembre ? Si je devais parier, je dirais que les Sénégalais ont quand même l'habitude, après avoir élu un président, de lui donner la majorité qu'il souhaite. Généralement, c'est ça qui se fait. En termes d'élections politiques au Sénégal, il ne faut jamais dire jamais. Mais je pense que, si le parti au pouvoir arrive à faire passer son discours, il a de fortes chances effectivement d'avoir au moins une majorité. Ça a été le cas avec Abdou Diouf, ça a été le cas avec Abdoulaye Wade, ça a été le cas avec Macky Sall. Donc je ne pense pas que, entre-temps, le président Diomaye Faye ait pu faire de mauvais choix qui lui coûteraient en tout cas son positionnement auprès des Sénégalais. Historiquement, les présidents du Sénégal ont toujours eu quand même, à un moment, juste après leur élection, notamment, la possibilité d'avoir un Parlement qui puisse les aider à mettre en place leur politique.
On l’appelait « Roi des rois » ou « Lion conquérant de la tribu de Juda ». L’empereur éthiopien Haïlé Sélassié a été renversé par des militaires marxistes il y a exactement cinquante ans, le 12 septembre 1974. À l’époque, beaucoup ont applaudi à sa chute. Mais aujourd’hui, avec le recul, les avis sont beaucoup plus partagés, et le régime éthiopien actuel n’hésite pas à lui rendre hommage. Que reste-t-il du négus dans la mémoire collective ? Gérard Prunier, qui a connu l’Éthiopie impériale, a été chercheur au CNRS et directeur du Centre français des études éthiopiennes à Addis-Abeba. Il témoigne, au micro de Christophe Boisbouvier. RFI : Gérard Prunier, quel souvenir laisse Haïlé Sélassié ? Celui d'un despote ou d'un monarque éclairé ? Gérard Prunier : Pour l'Éthiopien moyen aujourd'hui, celui d'une sorte de rêve. Parce que dans la mémoire collective, c'est l'homme qui parlait d'égal à égal avec le président des États-Unis et avec le Général de Gaulle, bien sûr.N'a-t-il pas laissé aussi le souvenir d'un autocrate qui nourrissait ses chiens pendant que 200 000 de ses compatriotes mouraient des suites d’une famine ? Vous avez absolument raison de mentionner cet épisode qui a été en plus filmé. Le pauvre homme était à demi sénile au moment où la révolution de 1974 a éclaté. Et ce que vous dites est tout à fait vrai. Mais la mémoire collective est orientée par des sentiments subjectifs et c'est oublié.Qu'est-ce qui reste de l'héritage politique de l’Empereur ? Il reste l'Union africaine qui a été créée par l'Empereur et qui était pour lui une sorte de bras politique qui lui permettait au-delà des océans de serrer la main directement des plus grands de la planète. C'est-à-dire que l'Union africaine était un instrument de l'Empereur.Est-ce qu'aujourd'hui, dans la mémoire éthiopienne, l'Empereur et son tombeur, le colonel Mengistu, sont mêlés dans le même souvenir ou est-ce que les gens font la différence ? On fait une très grande différence. L’Empereur, c'est la gloire qui est effacée. Mengistu, c'est la flaque de boue dans laquelle on a glissé après que le glorieux Empereur a disparu.33 ans après sa chute, Mengistu est toujours vivant. Il a 87 ans et il est réfugié au Zimbabwe. Est-ce que l'Éthiopie a renoncé à le faire extrader ? Oui, elle n'a jamais déclaré qu'elle y avait renoncé, mais elle y a renoncé parce que, dans la situation actuelle, ça serait une exacerbation des multiples guérillas qui existent à droite et à gauche et que le pouvoir éthiopien actuel a bien du mal à contrôler.Au siège de l'Union africaine, à Addis-Abeba, il y a une statue du Négus et l'actuel Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, lui a rendu hommage récemment. Est-ce qu'on peut parler d'une réhabilitation de l’Empereur ? D'une tentative de réhabilitation. Monsieur Abiy Ahmed est loin d'être un maladroit et après tout Haïlé Sélassié est l'homme qui a fondé l'Union africaine. Donc, qu'il cherche à se draper dans un petit peu de cette gloire passée… Mon Dieu, il n'est pas le seul homme politique à avoir fait ça.Pour les adeptes de la religion Rastafari, notamment, bien sûr, pour les nostalgiques de Bob Marley, notamment en Jamaïque, Haïlé Sélassié, c'est le Messie. Pourquoi une telle aura mystique ? Parce que ça, ça remonte à la période où il avait grimpé au pouvoir. Il était à l'époque le seul et unique chef d'Etat noir au monde.En 1930…Oui, d'ailleurs, ce qui était assez amusant, c'est que lui-même était plutôt raciste et notamment le Ghanéen Kwame Nkrumah, qui était un des grands leaders panafricains de l'époque, avait dit à l'Empereur un jour « Oui, pour nous autres noirs », il voulait dire « vous représentez tellement ». Et l'Empereur lui avait dit « Vous parlez pour vous ». Il ne s'est jamais considéré comme un noir. Il était déjà, d'une certaine manière, l'expression du Sud global.Vous vous souvenez du jour où vous avez appris la chute de Haïlé Sélassié ? Oui, je me rappelle très très bien ma réaction, parce que j'ai eu très vite comme ça, passant dans les yeux, un événement où j'avais vu un bourreau fouetter un paysan en public parce qu'il avait bousculé des gens pour s'installer dans un autobus. Et le bourreau était une caricature du méchant dans un film américain. Et bon, c'était un de ces domaines du Sud qui était entre les mains des Amharas. Et j'ai pensé que ce système était complètement archaïque. Je me suis dit « mais ce n’est pas possible de voir encore des choses comme ça ». Et alors, vous savez comment on l'a fait sortir du palais ?Non…On l'a obligé à s'asseoir sur le siège arrière d'une VolkswagenD'une coccinelle.Voilà.  Et à l'époque, vous vous êtes dit c'est bien fait pour lui. Non, parce que connaissant l'histoire de l'Éthiopie, je savais qu'il avait très mal géré l'invasion italienne en 1935-1936 et qu'il avait vraiment su gérer sa réinstallation au pouvoir en 1941. Et je me suis dit que, quand on a quelques siècles de décalage par rapport à celui dans lequel on vit, mon Dieu, il ne s'en était pas trop mal tiré.
C'était il y a un an jour pour jour. Au petit matin du 11 septembre 2023, des milliers d'habitants de Derna, au nord-est de la Libye, mouraient ensevelis ou noyés à la suite d'une tempête et de la rupture de deux barrages en amont de la ville. Officiellement, il y a eu 4 000 morts, mais les experts estiment que le vrai bilan dépasse les 14 000 morts. En juillet, 12 personnes ont été condamnées à de lourdes peines de prison. Et aujourd'hui, la ville se reconstruit, mais dans la plus grande opacité financière. Virginie Collombier est docteur en sciences politiques et professeur à l'université Luiss à Rome, en Italie. Elle répond à Christophe Boisbouvier. RFI : En juillet dernier, le maire de Derna et 11 fonctionnaires ont été condamnés à de lourdes peines de prison pour avoir négligé l’entretien des deux barrages qui ont cédé, il y a un an. Est-ce que vous pensez que ce sont les vrais responsables qui ont été punis ?Virginie Collombier : Une partie des responsables. En tout cas, des gens qui ont eu un rôle dans le défaut d’entretien, toutes les choses liées à l’entretien des infrastructures en Libye. Mais les personnes qui, effectivement, ont géré la crise, les responsables des forces armées, les groupes liés à la sécurité de la zone, n’ont pas du tout été impliqués. En particulier, des membres importants des Forces arabes armées libyennes, dirigées par Khalifa Haftar, qui ont géré la réponse à la crise, qui ont donné les ordres de confinement de la population, n’ont pas du tout été impliqués. Par ailleurs, il n’y a pas eu d’enquête indépendante… Ce que réclament les Libyens, un certain nombre d’associations de défense des droits, depuis une année déjà.À la suite de cette catastrophe, le Parlement de Tobrouk, présidé par Aguila Saleh, a débloqué quelque deux milliards de dollars pour la reconstruction de la ville. Aujourd’hui, les autorités libyennes disent que plus 3 000 logements ont été mis à disposition et qu’on est à 70% du taux d’achèvement de tous les travaux. Est-ce que ce n’est pas une bonne nouvelle ?Alors, ces chiffres sont difficiles à mesurer précisément… De fait, les gens qui sont sur le terrain reconnaissent qu’il y a un vrai effort qui a été entrepris en termes de reconstruction de logements, de ponts, de routes et que, par rapport aux critères libyens, cette reconstruction est assez rapide. C’est une bonne nouvelle. En revanche, il faut quand même regarder cela de très près. On a une opacité et une absence totale de transparence sur l’origine des fonds qui servent à cette reconstruction. Il ne faut pas oublier que la Libye est un pays qui, institutionnellement, est divisé entre deux gouvernements rivaux et que le Parlement de l’est, dirigé par Aguila Saleh, qui a décidé de l’octroi de ces deux milliards de dollars, n’a pas accès aux fonds de la Banque centrale. Les registres de la Banque centrale ne démontrent pas non plus que la Banque centrale a fait parvenir ces deux milliards de dollars. Donc, il y a un gros point d’interrogation, que se posent les acteurs locaux et internationaux : réellement, d’où viennent ces fonds ? C’est un premier point. Et deuxième point, il y a aussi très peu de transparence et des critiques très fortes sur les critères qui ont été utilisés pour les indemnisations. Il semblerait qu’il y ait des gagnants et des perdants de cette reconstruction. Non seulement pour ceux qui, effectivement, bénéficient économiquement des contrats, mais aussi pour la population locale. Beaucoup se plaignent de ne pas avoir reçu d’indemnisation, d’être toujours déplacés en dehors de la ville. On n’a pas une grande visibilité sur les procédures qui ont été mises en œuvre pour organiser, orchestrer cet effort de reconstruction. Il semble plutôt que, derrière tout cela, il y ait une grosse opération économique, de business, dont certains proches des autorités de l’est, profitent, un certain nombre d’entreprises étrangères également. Pour ce qui est de la population, c’est un petit peu plus compliqué. Encore une fois, il y a ceux qui estiment qu’il y a un progrès – et de fait, il y a un progrès, mais qui ne bénéficie peut-être pas à tout le monde.À lire aussiLibye: un an après la catastrophe de Derna, une tragédie entourée de controversesÀ la tête du fonds pour la reconstruction de Derna et des villes alentour, il y a Belgacem Haftar, l’un des trois fils du Maréchal Haftar. On connaissait ses deux frères, Saddam et Khaled, mais pas lui. Pourquoi le Maréchal l’a-t-il placé à la tête de toute cette opération ?En fait, Khalifa Haftar a six fils, dont trois qui ont acquis une visibilité beaucoup plus importante au cours des dernières années. Jusqu’à présent, Belgacem n’était pas le plus visible. Le plus visible, c’est Saddam Haftar, le bien nommé, qui a graduellement gravi les échelons de l’appareil sécuritaire qui contrôle l’est et une partie du sud de la Libye. Ce que l’on observe, c’est que depuis un an, un an et demi, il y a une véritable opération de noyautage et de placement de différents personnages centraux du clan Haftar, en particulier les fils, à différentes positions stratégiques, dans la perspective de la succession de Haftar…Qui a plus de 80 ans.Qui a plus de 80 ans, qui a eu, à plusieurs reprises, des problèmes de santé, mais qui tient bon. Ce qui est opéré, justement, par le clan Haftar, depuis un an, un an et demi, c’est une opération de noyautage et de placement des proches du Maréchal à différentes fonctions stratégiques, en particulier des fonctions qui touchent à la sécurité, au maintien de l’ordre et du contrôle armé, par la force sur la société, mais aussi sur l’économie. Parce que, un peu comme le modèle égyptien, les forces armées du Maréchal Haftar jouent, maintenant, un rôle absolument central dans l’économie et les finances. Belgacem, de ce fait, a été placé à la tête de ce Fonds libyen pour le développement et la reconstruction, qui joue un rôle central dans la reconstruction de Derna, mais aussi d’un certain nombre de villes qui ont été sinistrées par le conflit au cours de la dernière décennie, Derna, Syrte, Morzouk… C’est une sorte d’opportunité d’enrichissement, de construction des relations avec des partenaires extérieurs et, de ce fait, c’est important pour les Haftar d’obtenir cette position. C’est un rôle important parce que, par la reconstruction, par ces efforts qui sont mis en place, Haftar et son entourage démontrent aussi qu’ils ont besoin de se construire une certaine légitimité. Que le contrôle par la force, c’est une chose, mais qu’ils ont aussi besoin de montrer à la population qu’ils sont capables de répondre aux besoins essentiels. Ils essayent d’utiliser ce fonds-là et ces efforts de reconstruction pour redorer le blason de Haftar et chercher à construire une base populaire.Aux Nations unies, la Libye est représentée par le gouvernement de Tripoli, dirigé par Abdel Hamid Dbeibah. Est-ce que ce gouvernement joue un rôle dans la reconstruction de Derna ?Non, justement, c’est aussi un des problèmes liés aux divisions institutionnelles dont nous parlions précédemment, aux deux gouvernements rivaux. Le gouvernement qui, jusqu’à ce jour, est officiellement reconnu internationalement est le gouvernement de Dbeibah à Tripoli. Mais le contrôle physique sur les villes de Derna et sur le reste de l’est est aux mains du gouvernement rival des forces armées dirigées par le Maréchal Haftar. Ce qui se passe sur le terrain à Derna, ce qui se passe sur le terrain à Syrte, à Benghazi, n’est pas du tout contrôlé par le gouvernement de Tripoli qui, par ailleurs, avait lui-même créé, après la crise, son propre fonds de reconstruction, mais qui n’a pas la capacité d’agir sur le terrain. Donc, nous avons une illustration de l’impact des divisions institutionnelles qui marquent la Libye depuis 2014 et qui sont un frein et un problème majeur à la mise en œuvre de projets. L’absence de transparence qui caractérisait le système avant 2014 est maintenant encore plus évident.Vous dites que la Banque centrale libyenne n’a pas participé au financement du fonds pour la reconstruction de Derna. Est-ce à dire que cette banque centrale est passée sous le contrôle exclusif de Tripoli, au détriment de l’est ?Officiellement, nous n’avons pas, dans les registres de la Banque centrale à ce jour, de traces de l’opération des deux milliards de dollars qui auraient été affectés aux fonds de reconstruction. La Banque centrale libyenne, c’est le rouage principal institutionnel libyen parce que l’économie libyenne dépend en intégralité du pétrole et que les ressources liées à la vente du pétrole arrivent à la Banque centrale qui, ensuite, distribue ces revenus. Dans la situation de division institutionnelle qui caractérise la Libye, le gouvernement de Tripoli, légitime internationalement, était celui qui avait le contrôle sur la Banque centrale. Depuis quelques mois, on se rend compte que les rivalités autour du contrôle de la Banque centrale se sont intensifiées très largement. Que le gouverneur de la Banque centrale qui, jusqu’à présent, avait tenté de préserver la neutralité, l’impartialité de l’institution, a commencé petit à petit à se rapprocher des autorités de l’est. Il y a encore de l’incertitude sur les raisons de ce rapprochement, mais il semblerait que des accords, plus ou moins formels, ont été conclus avec les autorités de l’est, ce qui a donné accès à des financements plus importants. Tout cela dans une opacité presque totale. Ce changement de position du gouverneur de la Banque centrale a provoqué un conflit majeur avec le gouvernement de Tripoli qui essaye depuis quelques semaines de se débarrasser de lui et de nommer un nouveau gouverneur au conseil d’administration. Nous sommes dans une situation, depuis deux ou trois semaines, de conflit autour du contrôle de la Banque centrale qui est en situation de paralysie totale. Ce qui veut dire blocage des opérations internationales, des codes SWIFT qui sont en possession d’un gouverneur et pas de l’autre, les opérations bancaires é
Plus de deux tonnes de cocaïne saisies samedi 7 septembre dans un avion en provenance du Venezuela… La Guinée-Bissau se serait bien passée de cette actualité au moment où elle célèbre mardi 10 septembre les 50 ans de la reconnaissance de son indépendance. Pourquoi cette jeune nation connaît-elle une vie politique aussi mouvementée depuis 1974 ? Est-ce seulement à cause des cartels de la drogue ? Le Bissau-Guinéen Carlos Lopes a été le secrétaire exécutif de la Commission économique pour l'Afrique. Aujourd'hui, il enseigne à l'Université du Cap et à Sciences Po Paris. Il répond à Christophe Boisbouvier. RFI : Carlos Lopes, à l'exception de José Mário Vaz, aucun président n'a réussi à terminer son mandat de 5 ans. Tous les autres ont été soit renversés, soit assassinés. On pense bien sûr notamment à Nino Vieira, pourquoi une telle instabilité politique depuis 50 ans ?Carlos Lopes : En effet, on peut trouver le début de cette crise dans la lutte armée proprement dite, parce que, à la fin de la lutte armée, quand Amilcar Cabral a été assassiné, beaucoup de voix se sont élevées sur le fait qu'il y avait des traitres à l'intérieur du Mouvement de libération nationale. Et depuis, il y a des règlements de comptes qui se sont succédé parmi les militaires, ce qui les met toujours en exergue et ce qui leur permet vraiment d'influencer le pouvoir politique. Et malheureusement, les militaires sont complètement dans la mise en place d'un système d'intérêt personnel, et donc ils ne se gênent pas vraiment pour laisser tomber les promesses qui sont faites par les politiciens si ça ne leur convient pas.Du temps de la colonisation, les chefs militaires du PAIGC ont combattu courageusement les Portugais avant d'arracher l'indépendance de 1974. Du coup, est ce que cette lutte armée ne leur a pas donné un surcroît de légitimité dont ils abusent aujourd'hui ?Quelque part, oui, mais ce qui s'est passé après l'indépendance, c'était justement le départ des cadres militaires les plus capables, les plus performants et aussi les plus sophistiqués, pour d'autres fonctions. Et donc ceux qui sont restés vraiment dans les forces de sécurité, c'étaient les moins capables. Et donc, ils utilisent toujours, bien sûr, le fait qu'ils ont une aura historique qui vient de leur participation dans la lutte de libération nationale.On dit souvent, Carlos Lopes, que votre pays est une plaque tournante du trafic de cocaïne. On peut dire donc qu'il y a des cartels de la drogue venus d'Amérique latine qui tirent les ficelles du pouvoir politique de votre pays ?Je n'ai aucun doute, il y a vraiment une complicité entre beaucoup d'acteurs proéminents du pouvoir guinéen avec des cartels de la drogue latino-américains.Donc, quand le Président Sissoco Embalo dit que la Guinée-Bissau, plaque tournante de la drogue, c'est terminé, vous n'êtes pas convaincu ?Bon, ce sont les faits qui montrent qu’on est toujours dans ce registre. Il y a un avion qui vient d'atterrir avec plus de 2 tonnes de cocaïne. Donc, ce n'est pas vraiment une coïncidence que ce type d'avion atterrisse toujours dans les aéroports de Guinée-Bissau ?Depuis la dernière dissolution décidée par le président Sissoco Embalo, il y a 9 mois, il n'y a plus de Parlement, est-ce que cela vous inquiète ?Bon, je crois que tous les Guinéens sont inquiets du fait que, chaque fois qu'il y a des élections, ceux qui gagnent n'arrivent jamais à gouverner. Et donc s'il y a des élections qui sont annoncées, on sait déjà que les résultats, s’ils ne plaisent pas aux militaires, ne seront pas de longue durée.C'est en décembre 2019 qu’Umaro Sissoko Embalo a été élu Président pour 5 ans, mais aucune présidentielle n'est annoncée d'ici la fin de l'année. Qu'en pensez-vous ?En effet, son mandat doit se terminer le jour exact de l'anniversaire de sa prise de fonction. Donc, ça veut dire, en février 2025. Mais pour qu'on puisse avoir un Président élu en février, il va falloir faire les élections auparavant. Et donc comme on a la possibilité d'avoir un 2e tour, oui, c'est vrai qu'on devait être en train de préparer l’élection présidentielle. C'est ce que dit la Constitution.À lire aussiCarlos Lopes: «Le désir de transformation égalitaire en Afrique s’est épuisé petit à petit»Du coup, vous êtes inquiet ?Je suis inquiet, comme tous les Guinéens, qu'on ne respecte pas les règles de base du calendrier électoral. Donc, c'est une espèce de continuité de l'instabilité, si on ne respecte pas les principes constitutionnels.Quatre coups d'État réussis dans votre pays depuis l'indépendance, est-ce que l'arrivée de casques blancs de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), et notamment de soldats sénégalais depuis quelques années, a permis de stabiliser un tout petit peu la situation ?Je ne connais pas d'acteur politique important en Guinée-Bissau qui n'a pas contesté la présence des casques blancs de la Cédéao, donc, ça veut dire qu’ils n'ont pas réussi à établir une crédibilité qui permet de les voir comme une force neutre. Il y a une espèce de crise de légitimité de la Cédéao dans toute la sous-région, qui vient du fait que leur méthodologie d'intervention n'a pas évolué avec le temps.Donc vous pensez qu'il vaut mieux supprimer cette force de paix de la Cédéao dans votre pays ?Dans le cas concret de la Guinée-Bissau, oui, mais je pense que ça ne veut pas dire que la Cédéao ne doit pas être présente dans les différents théâtres qui exigent une présence étrangère. Mais le code de conduite et la méthodologie doivent changer radicalement.À lire aussiGuinée-Bissau: 2,6 tonnes de cocaïne saisies dans un aéronef en provenance du Venezuela 
Au nord du Bénin, le chômage n’est pas la seule cause de la radicalisation de certains jeunes qui basculent dans le jihadisme, affirme le Timbuktu Institute. Au terme d’une longue enquête dans trois départements du nord du Bénin, aux confins du Burkina Faso et du Niger, cet institut publie un rapport intitulé Au-delà de la criminalité, qui montre que l’approche criminologique ne suffit pas pour combattre le phénomène jihadiste. Professeur à l’université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal, Bakary Sambe est le directeur régional du Timbuktu Institute et le fondateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique. RFI : Dans votre enquête très fouillée – près de 300 interviews étalées sur plus d'un an – vous dites que le chômage des jeunes est un facteur essentiel de la radicalisation et un responsable associatif de Djougou vous dit : « pour avoir du travail, il faut connaître quelqu'un qui est proche du pouvoir, sinon on n'en trouve pas ».Bakary Sambe : Oui, des jeunes des communautés qui ont participé à l'étude perçoivent donc, de ce point de vue, la radicalisation et l'extrémisme violent comme un refuge pour faire face aux différents problèmes sociaux et socio-économiques. On voit, notamment dans la Donga, comment les groupes extrémistes violents arrivent à instrumentaliser ces griefs, notamment les questions d'injustice et d'inégalité. Par exemple, ce jeune qui nous aborde en disant : « est-ce qu'on pourrait m'aider à entrer dans un groupe extrémiste violent, parce que ça fait des années que j’essaie d'entrer dans l'armée, mais ne connaissant personne, appartenant à une certaine ethnie, je me sens exclu ». Et donc, il voit dans ces groupes-là un refuge pour justement lutter contre ces griefs et sortir de la marginalisation.Il voit même cela comme « une revanche sociale », vous dit ce jeune…Il voit cela comme une revanche sociale, parce que, pour lui, l'État et ses représentants locaux l'empêchent, en tant que Béninois jouissant de ses droits, d'entrer dans une fonction publique comme l'armée ou bien les forces de sécurité et de défense, pour véritablement vivre sa passion, qui est la passion des armes. Du coup, il se voit attiré par les groupes extrémistes violents qui se présentent comme des protecteurs des communautés ostracisées et jouent cette carte de la division et essaient de dire à des communautés ostracisées, marginalisées : « nous sommes vos protecteurs ».Autre facteur de radicalisation, dites-vous, dans les provinces du Nord du Bénin à majorité musulmane, la compétition religieuse entre prédicateurs, les uns salafistes, les autres de la confrérie soufie tidjaniya ?Oui, on voit bien ces rivalités internes au sein de la communauté musulmane, aussi bien dans la Donga comme à Djougou ou à Ouaké. Elles expriment le degré d'ancrage des courants wahhabites qui contestent les groupes soufis comme la tidjaniya. Là, les cheiks [wahhabites] bâtissent toute une stratégie basée sur l'humanitaire et le travail social. Et on voit que ces organisations, via des ONG qui reçoivent des financements, commencent à se substituer à l'État. Et on voit là une dynamique qu'on a connu dans le Sahel dans les années 70 et qui commence à devenir une véritable réalité dans le nord du Bénin. Et il y a ce témoignage qui nous a été fait au sujet de la stratégie de ces ONG pour combler le vide. La personne nous dit carrément que ce sont des pays du Golfe qui, à travers des projets, font des dons d'infrastructures aux villages et aux communes. Aujourd'hui, dans les départements du Nord du Bénin, nous avons des centaines de forages d’eaux, de puits, et cetera. Bref, une stratégie de remplacement de l'État et, en même temps, une stratégie double. D’une part, elle est basée sur la dawa, la prédication. Et de l'autre côté, sur la hirassa, le secours humanitaire. De sorte qu'aujourd'hui, il y a une compétition des courants religieux, une lutte entre ces courants religieux, notamment le salafisme wahhabite et la tidjanya, qui aujourd'hui est menacée par cette offensive de la dawa.Et dans certains villages, vous dites que les jihadistes n'hésitent pas à saisir les téléphones des habitants pour supprimer les vidéos qu'ils considèrent comme haram, c'est à dire impie. Est-ce à dire qu'il y a des zones où les djihadistes circulent en toute liberté et font la loi ?Nous avons été très surpris par ce témoignage à Nattitingu, dans le département de l'Atacora, où les jeunes vous disent qu'ils reçoivent des messages et qu'ils ont des nouvelles de certains jeunes qui ont été appelés par les « gens de la brousse » et qui hésitent à les rejoindre. De la même manière que l'on voit un jeune qui témoigne de l'existence de centres de formation, en disant que, lorsque les jeunes quittent ces centres de formation et reviennent dans le village, ils commencent à avoir un comportement qui inquiète la communauté.D'après votre enquête, le département le plus vulnérable aux jihadistes, c'est celui de l'Atacora, limitrophe du Burkina. Vous y racontez la stigmatisation des Peuls et aussi ce que les habitants appellent les « gens de la brousse », c'est à dire des groupes djihadistes armés qui circulent pour aller du Togo au Burkina et qui, du coup, sont en contact permanent avec la population, est ce qu'on peut parler de familiarisation ?Il y a une forme de familiarisation, il y a une forme aussi de stratégie qui fait que les populations locales sentent que ces « gens de la brousse » maintenant font partie de leur quotidien. Du coup, je pense que la bonne stratégie des autorités serait d'avoir une approche mixte. C'est à dire, autant il est important de gérer les impératifs et les urgences sécuritaires au regard de la menace, mais aussi il est important d’avoir une approche basée sur le renforcement de la résilience des communautés, de sortir du tout sécuritaire, d’expérimenter les stratégies endogènes basées sur la culture du dialogue, sur la culture de la médiation. Les jeunes que nous avons vus se déployer en médiateurs, des jeunes engagés dans leur communauté, cela montre qu'il y a encore des ressources au sein de la société béninoise qu'il faudrait explorer dans le Nord du Bénin.À lire aussiBénin: une attaque terroriste fait plusieurs morts dans le parc national W au nord du pays      
C’est au Maroc que nous retrouvons notre grand invité Afrique samedi 7 septembre. Soukaïna Oufkir a 60 ans, elle est la plus jeune de filles du Général Oufkir. Après une tentative de coup d'État avorté en décembre 1972, la famille Oufkir fut enfermée pendant près de 24 ans, dont 19 ans en prison et 5 ans en résidence surveillée, sur ordre du roi Hassan II. Pour survivre la détention, pour renaitre après le départ pour la France, pour retrouver un équilibre, Soukaïna Oufkir a notamment appris à jouer de la musique. Après 30 années de travail, elle sort ce 20 septembre son premier album et elle est aujourd’hui au micro de Guillaume Thibault.  À lire aussiMaroc: les musiciens se préparent pour la 25e édition du festival Gnaoua et musiques du mondeÀ lire aussi1. Soukaïna Oufkir  
En Algérie, la présidentielle, c'est ce samedi 7 septembre. Trois candidats sont en lice, dont le président sortant, Abdelmadjid Tebboune, qui est soutenu par l'ancien parti unique FLN. Mais quel est le poids de l'armée dans ce scrutin ? Pour Ali Bensaad, il est déterminant. Cet analyste est professeur des universités à l'Institut français de géopolitique de Paris VIII. RFI : Pourquoi dites-vous, dans une récente tribune à Mediapart, qu'Abdelmadjid Tebboune a dû se soumettre aux militaires pour pouvoir faire un deuxième mandat ? Ali Bensaad : En fait, Tebboune est très contesté justement au sein de l'armée pour sa médiocrité politique. Et il y a de la part de l'armée, si je puis dire, une quasi-obsession de contrôle des acteurs politiques. Et la candidature de Tebboune n'était absolument pas acquise. Et on a même parlé à un moment donné de la possibilité d'un candidat militaire. D'ailleurs, publiquement, les décideurs ont fait savoir pendant un bon bout de temps que les élections allaient être reportées, etc. Et en fait, Tebboune n'a été, si je puis dire, avalisé qu'après une emprise encore plus grande de l'armée sur la vie politique et institutionnelle. Ce n'est pas fortuit que, la veille de la déclaration de candidature de Tebboune, un décret a été promulgué, ce décret qui légalise de fait le passage de la haute administration civile et celle des entreprises publiques sous l'autorité de l'armée.À lire aussiAlgérie: qui sont les trois candidats à l'élection présidentielle?C'est-à-dire que, très discrètement, au mois de juin dernier, est passé un nouveau décret qui autorise les officiers supérieurs de l'armée algérienne à accéder aux plus hautes fonctions publiques tout en restant sous l'autorité de l'état-major algérien. C'est ça ? Exactement. Et de fait, on a eu plusieurs entreprises, les entreprises de téléphonie, les aéroports, les sociétés des eaux, etc, qui sont dirigées actuellement par des militaires et c'est au prix de cette dévitalisation, si je peux dire, de la fonction publique, où l'armée se réattribue ces fonctions-là, que la candidature de Tebboune est devenue acceptable pour un dernier mandat.Depuis trois ans, le discours du pouvoir algérien se durcit contre la France. Est-ce que c'est seulement à cause de la petite phrase d'Emmanuel Macron, c'était en septembre 2021, sur « le système politico-militaire algérien » ?Alors c'est un prétexte. Mais ce raidissement, en fait, il s'explique pour des raisons strictement internes. C'est lié au raidissement autoritaire du régime, à son désir de soustraire la population au monde pour mieux l'enfermer, pour mieux asseoir son autoritarisme sans risquer des parasitages extérieurs. Or, il se trouve que la France, qu'on l'aime ou pas, est de fait la fenêtre d'ouverture sur le monde la plus pratique et la plus proche pour les Algériens.À cause de la diaspora notamment ?Pas seulement à cause de la diaspora. On est à une heure de Paris. Et donc la France est devenue, pour le régime, le pays à diaboliser à tout prix. Et le régime en a perdu la mesure de ce que sont les relations internationales. Et je pense qu'un des éléments justement de l'isolement dans lequel est l'Algérie actuellement, c'est cette diplomatie de la confrontation, cette diplomatie populiste, je dirais. Et elle est quelque part suicidaire, parce que la décision de substituer brutalement l'anglais au français à l'université, c'est insensé. Et en cassant ce maigre tissu [francophone] pour une hypothétique acquisition de l'anglais, ça ne s’acquiert pas comme ça. Donc c'est un effet retour de bâton sur la société. Et moi, même si je regrette beaucoup la position de la France qui s'est départie de sa position d'équilibre entre l'Algérie et le Maroc, j'estime que ce qu'elle a fait, c'est quasiment un retour de bâton de la politique populiste algérienne. Mon interprétation du changement de la position politique de la France à l'égard de la question du Sahara, c’est lié au fait que, la France maintenait une position d'équilibre parce que l'Algérie était un pays qui comptait pour la France, pour ne pas percuter ses intérêts, etc. Mais l'Algérie ne compte plus, non seulement pour la France, pour l'Espagne qui a précédé la France, mais même pour la Russie qui se permet d'avoir des milices [Wagner] qui menacent la sécurité de l'Algérie à ses frontières. C'est un pays extrêmement affaibli et isolé.À lire aussiPrésidentielle en Algérie: la jeunesse désabusée et sans espoir pour un vrai changement  
Grand banquet hier soir, grand discours ce matin... Le président chinois Xi Jinping reçoit ses homologues africains en grande pompe à l'occasion du neuvième sommet Chine-Afrique, qui se tient à Pékin jusqu'au vendredi 6 septembre. Selon un décompte de l'AFP, 25 dirigeants africains sont là. Normal, la Chine est le premier partenaire commercial de l'Afrique. Mais entre la Chine et l'Afrique, tout n'est pas rose. Il y a aussi des sujets d'inquiétude. Valérie Niquet est chercheuse à la Fondation pour la recherche stratégique. Elle a publié chez Tallandier La Chine en 100 questions. RFI :  Alors, la chute spectaculaire des prêts chinois aux pays africains depuis quatre ans, est-ce le signe d'un désengagement ou d'un simple changement de stratégie ? Valérie Niquet : C'est présenté comme un changement de stratégie avec la réorientation des initiatives des routes de la soie vers des projets plus petits, moins coûteux, plus soucieux de l'environnement. Mais ça recouvre aussi une nécessité, c'est que l'économie chinoise rencontre de grandes difficultés. La Chine a besoin d'investissements, notamment pour tout ce qui concerne la prise en charge sociale sur son propre territoire. Il y a eu un gros ralentissement de la croissance chinoise qui n'est pas repartie. Elle est aujourd'hui autour de 4% à 5% par an, ce qui est très peu pour un pays comme la Chine. Et donc, il y a moins de moyens. Donc c'est un peu terminé, le temps où la Chine fournissait largement des prêts et des aides pour acheter en quelque sorte le soutien de beaucoup de pays.Depuis un an, les Chinois subissent une déconvenue en Afrique de l'Ouest. Ils ont financé pour quatre milliards de dollars un oléoduc Niger-Bénin dans lequel le pétrole ne coule pas à cause de la crise entre les deux pays. Ils se retrouvent médiateurs, bien malgré eux, d'une crise dont ils se seraient bien passés. Est-ce que cela ne risque pas de les refroidir dans leurs projets d'investissement au Sahel et en Afrique de l’Ouest ? Alors ce qui est certain, c'est que la Chine en Afrique, finalement, joue un rôle majeur d'un point de vue économique. En revanche, la Chine est très prudente pour tout ce qui est engagement dans les questions de sécurité en Afrique, et elle s'inquiète évidemment beaucoup de la situation au Sahel, en Afrique de l'Ouest. Et en même temps, elle n'est pas capable aujourd'hui, on parle beaucoup de la montée en puissance de la Chine, mais la Chine n'est pas capable aujourd'hui, en dépit de sa base navale à Djibouti par exemple, de jouer le rôle que ces puissances comme la France ou, d'une manière plus négative, certains groupes russes peuvent jouer dans la région. Et donc elle est plutôt spectatrice et inquiète, en effet, pour des investissements actuels ou futurs. La Chine a été aussi très active au Soudan et elle surveille de très près la situation dans les deux Soudan, où elle a aussi d'importants intérêts.À lire aussiForum sino-africain: l'Afrique espère rééquilibrer sa coopération avec la ChineMais quand Niamey et Cotonou demandent à la Chine de faire médiation dans leur différend pétrolier, est-ce que cette puissance chinoise n'est pas obligée de faire de la politique malgré elle ? Oui, elle le fait. Et c'est vrai aussi que ça flatte l'intérêt de la Chine qui se présente comme un médiateur, que ce soit là, mais on l'a vu dans d'autres circonstances, avec des accords signés à Pékin entre l'Iran et l'Arabie saoudite ou plus récemment entre Palestiniens. Donc, en fait, la Chine est intéressée à apparaître comme un acteur important qui peut jouer un rôle diplomatique sur la scène africaine. Il n'est pas certain qu'elle en soit tout à fait capable et surtout qu'elle ait envie de prendre parti pour l'un ou pour l'autre, puisqu'elle a des intérêts des deux côtés.Mais on peut imaginer que, pendant ce sommet de Pékin, elle essaye de rapprocher les points de vue du Niger et du Bénin ?Oui, et cinquante pays africains sont présents. Et donc Pékin, on le voit, en profite pour avoir de multiples réunions bilatérales qui permettent en effet de faire avancer des dossiers complexes.Alors, on dit que les Chinois abandonnent les méga projets d'infrastructures, mais est-ce qu'il n'y a pas une exception pour les pays très dotés en matières premières ? Je pense par exemple à la Guinée-Conakry et à ses mines de fer de Simandou et au Congo-Kinshasa et à ses mines de cobalt…Alors effectivement, la Chine a joué un rôle majeur dans le développement des infrastructures qui lui permettent d'avoir accès aux ressources. Et le Congo est notamment très important avec le cobalt en raison du rôle de ce minerai dans les nouvelles énergies pour l'adaptation climatique.En 2008, Joseph Kabila a signé avec la Chine un contrat mines contre infrastructures. Mais quinze ans plus tard, l'Inspection générale des finances du Congo-Kinshasa a dénoncé « une colonisation économique inacceptable » et Félix Tshisekedi a réclamé un dédommagement de quelque vingt milliards de dollars lors d'une visite à Pékin. Est-ce qu'il n'y a pas aussi, côté congolais, des sujets de mécontentement ? Alors du côté congolais, mais aussi dans d'autres pays où notamment la société civile et des partis d'opposition sont de plus en plus sourcilleux par rapport aux projets d'investissements chinois qui sont souvent très peu transparents. On ne sait pas très bien ce que la Chine obtient réellement en échange de ses investissements et il y a des demandes assez fortes de la part de certains secteurs, de la société civile ou de partis d'opposition pour essayer de remettre en question une relation qui est trop asymétrique entre une puissance chinoise qui fait à peu près ce qu'elle veut et des régimes qui ont parfois intérêt à coopérer avec Pékin sans poser trop de questions.À lire aussiLa Chine s'engage à allouer à l'Afrique 50 milliards de dollars en trois ans
Que s'est-il réellement passé à Makala, la plus grande prison de Kinshasa, dans la nuit de dimanche à lundi dernier ? Par quel enchaînement tragique est-on arrivé à la mort de 129 détenus, selon la version officielle des autorités congolaises ? Le journaliste congolais Stanis Bujakera est le directeur de publication adjoint du site d'information actualité.cd. Il connait bien cette prison, puisque, vous vous souvenez, il y a été détenu pendant près de sept mois, jusqu'en mars dernier. Il y a gardé, bien sûr, quelques contacts. Il témoigne au micro de Christophe Boisbouvier. RFI : Tout aurait commencé dans la nuit de dimanche 1ᵉʳ septembre à lundi 2 septembre vers 2 h du matin, des détenus seraient sortis du bâtiment où ils étaient enfermés. Est-ce qu'on sait pourquoi ils ont voulu en sortir ?Stanis Bujakera : Pour le moment, il y a des évidences. Tous, et même les autorités au niveau du gouvernement, écartent de plus en plus la thèse d'une attaque extérieure. Et je parlais avec quelques prisonniers, effectivement, qui affirment que c'est quelque chose qui est parti de l'intérieur de la prison. Plusieurs de mes contacts sur place ont par exemple expliqué que les événements seraient partis du pavillon 4.Des gens qui voulaient s'évader, à votre avis ?Alors, nous sommes dans la nuit, il n'y a pas de courant, donc il n'y a pas d'électricité. Sous une petite pluie, vous avez des gens qui ont cassé les différentes portes des pavillons, parce qu'à ces heures-là, il faut dire que les pavillons sont totalement fermés. Et donc, est-ce qu'il faut parler d'une tentative d'évasion quand des détenus hommes sont allés au pavillon 9, le pavillon dédié aux femmes, et ils y ont pénétré, et ont violé des femmes, et certaines femmes ont même été ramenées dans certains pavillons d’hommes, d'après plusieurs témoignages ? Est-ce que vous avez vu des gens, qui veulent s'évader, aller mettre le feu au bâtiment administratif et détruire ou piller le dépôt de nourriture et tout ça ? Donc, je ne sais pas s'il faut vraiment parler de tentative d'évasion. Ça pourrait aussi peut-être être une sorte de révolte. C'est possible.Est-ce que le pavillon 4 dont vous parlez est connu comme abritant les prisonniers les plus dangereux ?À Makala, il y a un mélange. Ça veut dire que tous les pavillons sont des pavillons dangereux, parce que tous les prisonniers sont mélangés. Moi, j'étais au pavillon 8, mais au pavillon 8, il y avait aussi également le mélange des profils. Donc Makala, ça reste cette antichambre de l'enfer où la survie est un miracle. Et puis, il ne faut pas oublier que, dans les 15 000 détenus de Makala, seulement près de 4 000 sont condamnés. Les autres non, et les autres attendent des décisions de justice des années et des années. Heureusement, je veux aussi informer les auditeurs de RFI que Damas Ngoy Kumbu, dont le cas a été soulevé dans ma précédente interview, a réussi finalement à sortir de prison après 21 ans de détention préventive.Oui, on se rappelle, il y a six mois, vous nous aviez annoncé que vous aviez croisé à Makala Kumbu Ngoy Damas, un prisonnier jamais condamné qui était prévenu sans jugement depuis 21 ans entre les murs de Makala. Tout le monde s'était ému de son sort. Et là, vous nous apprenez qu'il a finalement été libéré il y a quelques jours. C'est sans doute grâce à vous… Le 2 septembre, les premières bousculades commencent à 2 h du matin, mais il semble que les forces de sécurité ne soient intervenues qu'à 5 h du matin. Est-ce que vous confirmez ces trois heures de flottement ?En effet, en cas de pareille circonstance, il y a toujours un renfort qui arrive. Mais ces renforts-là n'arrivent pas de sitôt. Et quand les militaires sont arrivés très tôt le matin, ils ont fait ce qu'ils appellent les ratissages. C'est la preuve également qu'il y avait beaucoup de personnes qui avaient quitté leur pavillon ou qui tentaient de quitter leur pavillon. Mais je sais par exemple que les gens du pavillon 8, leur pavillon également, était ouvert, mais ils n'en sont pas sortis, parce que sortir de son pavillon à ces heures-là, beaucoup d’entre eux savaient qu'ils s'exposeraient aux tirs de l'armée. Et voilà la situation.Le pavillon 8 dont personne n'est sorti, c'est le pavillon où vous étiez vous-même. C'est le pavillon où se trouve l'opposant politique Jean-Marc Kabund, de l’Alliance pour le Changement. Et d'après vos informations, personne n'a pris le risque de sortir de ce pavillon cette nuit-là ?Non, Kabund et tous les détenus de ces pavillons sont sains et saufs. Mais ils sont traumatisés, comme tous les autres, parce que ça tirait même jusqu'à ce mardi dans la soirée. J'ai appris la nouvelle que ça a continué de tirer parce que l'armée faisait ce qu’elles appellent un ratissage. Et donc Kabund, il est là avec tous les autres détenus. Je reçois de ses nouvelles, il reste brave, il reste debout, il tient. Il est prêt à poursuivre son combat jusqu'au bout. Il lui reste encore cinq ans à faire s'il ne bénéficie pas d'une mesure de grâce. Mais il est capable, selon son propre témoignage, à faire face à cette épreuve.Sur les 129 personnes officiellement mortes dans cette nuit tragique de dimanche à lundi, 24 seraient mortes par balles et les autres seraient mortes par étouffement ou piétinement. Est-ce que vous croyez à cette version officielle ?Il faisait noir sous une pluie. Je pense que beaucoup de gens se sont marchés dessus. Donc, je ne pense pas qu'il faille exclure le fait qu'il y ait certains morts par étouffement au regard de la surpopulation de la prison.À lire aussiLa RDC ouvre une enquête après une tentative d'évasion à la prison de Makala
Au Gabon, on en sait un peu plus, depuis le week-end dernier, sur la future Constitution qui sera soumise à référendum à la fin de l'année. À l'issue de la présidentielle de l'an prochain, à laquelle le chef de la transition, le général Brice Oligui Nguema, aura le droit de se présenter, il n'y aura plus de Premier ministre, et le pouvoir exécutif sera donc « monocéphale ». Va-t-on vers une concentration de tous les pouvoirs dans les mains d'un seul homme ? Laurence Ndong est la ministre gabonaise de la Communication et des Médias, également porte-parole du gouvernement. En ligne de Libreville, elle répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Que répondez-vous à l'ancien Premier ministre Bilie-By-Nze, qui affirme qu'il y a un an, le général Oligui Nguema a pris le pouvoir pour lui-même et n'avait pas de projet pour le Gabon ? Laurence Ndong : Ce sont eux qui se sont accaparé le pouvoir depuis 2009. Ils prétendaient avoir des projets, « l'avenir en confiance » en 2009, « l'égalité des chances » en 2016, ils avaient prédit un « Gabon émergent » en 2025. Quels sont les résultats de ces projets ? Si ce n'est le néant ? Ils ont servi aux Gabonais, pendant quatorze ans, l'outrecuidance, l'arrogance, le mépris, les détournements des deniers publics, la confusion, la corruption. Le général Brice Oligui Nguema arrive au pouvoir et, en un an, les réalisations sont concrètes : 193 kilomètres de routes en un an, près de 19 000 intégrations à la fonction publique, on voit bien la relance de l'économie, la dette colossale et abyssale qu'ils ont engrangée pour le pays, nous l'avons trouvée avec des arriérés d'impayés qui ont tous été régularisés en trois mois. Donc c'est pour dire dans quel état ils ont laissé le pays. Donc, ils veulent ramener le débat à un problème de personnes. Mais le problème ici, ce n'est pas la personne du général Brice Oligui Nguema, c'est l'état dans lequel était le pays et qui a fait que son arrivée au pouvoir a été plébiscitée par les Gabonais et elle est toujours plébiscitée encore aujourd'hui.  Alors, en vue du référendum de la fin de l'année, le Comité constitutionnel national a élaboré un projet de constitution, qui a été remis ce samedi au Président de transition et dont on connaît maintenant les grandes lignes. Dans le nouveau régime, il n'y aura plus de Premier ministre. À l'issue de la présidentielle de l'an prochain, le futur chef de l'État incarnera « un exécutif monocéphale » et, du coup, certains Gabonais se demandent si ce futur élu ne deviendra pas un hyper président qui cumulera tous les pouvoirs dans ses mains ? La plus grande démocratie occidentale, les États-Unis d'Amérique, a un exécutif monocéphale. Personne ne dit qu'aux États-Unis le président de la République concentre tous les pouvoirs et pourtant, c'est bien un exécutif monocéphale. Donc ça, c'est un procès d'intention, puisque le législatif est renforcé, le judiciaire est renforcé et le président de la République sera assisté d'un vice-président de la République et d'un vice-président du gouvernement.  Alors, vous parlez des États-Unis. À la différence de l'actuel président américain, le futur président gabonais aura le droit de dissoudre l'Assemblée, alors que celle-ci n'aura pas le droit de censurer le gouvernement, puisqu'il n'y aura plus de Premier ministre. Du coup, est-ce que l'équilibre entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ne va pas être rompu au détriment du second, c'est-à-dire au détriment de l’Assemblée ?  L'Assemblée nationale aura le droit de destituer le président quand même et la dissolution du Parlement est encadrée. Le président ne se lèvera pas un beau matin pour dissoudre le Parlement pour ses propres intérêts. Donc, ce que les Gabonais voient depuis que le Président Brice Oligui Nguema est là, c'est que tout le pays est en chantier. Et là, on voit bien qu'Ali Bongo et Monsieur Alain-Claude Bilie-By-Nze n'étaient pas des hommes d'État. Ils nous ont laissé une dette colossale, mais qu'aujourd'hui, nous sommes en train de rembourser. Le Président Brice Oligui Nguema, qui se trouve actuellement en Chine, par honneur, parce qu'il a décidé de rendre au Gabon et aux Gabonais leur dignité, avant de se rendre au Focac, il a remboursé des arriérés de la dette du Gabon à la Chine pour 13 milliards de FCFA et il va en Chine la tête haute.  Alors, vous dites que, dans le nouveau régime, l'Assemblée aura, certes, le pouvoir de destituer le président de la République, mais ce ne sera que dans un cas très exceptionnel, celui de haute trahison, si, par exemple, le président veut se présenter pour un troisième mandat. Alors est-ce que, dans la vie courante, l'action du gouvernement ne va pas échapper à tout contrôle parlementaire ?  Pourquoi l'action du gouvernement échapperait-elle au Parlement ? Vous n'avez pas encore lu cette Constitution, on vous a dit qu'il y aura un vice-président du gouvernement. Il y aura certainement des dispositions qui permettront à ce vice-président du gouvernement de répondre pour le compte du gouvernement devant le Parlement.  Alors, ce vice-président du gouvernement, est-ce qu'il sera responsable devant l'Assemblée nationale et pourra éventuellement être censuré par les députés ?  Vous savez, on attend de lire toute la mouture finale. Ce qui est important pour les Gabonais, ce n'est pas le pouvoir pour le pouvoir. Ce sur quoi nous sommes en train de pinailler, c'est le pouvoir pour le pouvoir, est-ce qu'on pourrait démettre le Premier ministre ? Est-ce qu'on pourrait faire ceci ou cela ? Ce qui intéresse les Gabonais aujourd'hui, c'est de sortir de l'extrême pauvreté dans laquelle les quatorze années d'Ali Bongo les ont plongés. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui encore, nous avons célébré le 30 août, il y a quelques jours, les Gabonais étaient tous dans la rue. Ils voient les bienfaits de ce coup de libération et ils s'en réjouissent.  À lire aussiProjet de Constitution au Gabon: «Nous sommes en démocratie», clame Marc Ona Essangui
Comment l’intelligence artificielle, IA, peut-elle contribuer au développement de l’Afrique ? C’est l’une des questions-clé que se posent depuis hier (dimanche), à Dakar, les quelque 700 spécialistes qui participent au « Deep Learning Indaba » 2024, le forum annuel des développeurs africains de cette technologie révolutionnaire. Dans l’agriculture, l’éducation et la santé, l’intelligence artificielle peut permettre de grandes avancées sur le continent. Mais à certaines conditions. Le chercheur camerounais Paulin Melatagia enseigne à la faculté des sciences de l’université de Yaoundé 1. RFI : en quoi l'intelligence artificielle peut-elle permettre une agriculture de précision ?Paulin Melatagia : L'intelligence artificielle, avec tout l'ensemble des outils aujourd'hui qu'elle arrive à mobiliser, est très utilisée dans l'agriculture, notamment pour tout ce qui est prédiction des invasions, par exemple la prédiction des invasions des criquets à partir d'images satellitaires. On peut également utiliser l'intelligence artificielle pour la détection des maladies des plantes. Il suffit aujourd'hui, avec certaines applications qui sont déployées sur des téléphones portables, scanner des feuilles, et à partir de ces images-là, de détecter un certain nombre de maladies sur les plantes. On peut également, grâce à l'intelligence artificielle, prédire des inondations à partir d'images satellitaires ou même d'images qui sont connectées avec des drones. Je pourrais également ajouter, comme autre exemple, l'arrosage intelligent grâce à l'internet des objets qui permet de mesurer l'humidité, la température et la luminosité dans un champ et ensuite de déclencher, voilà, le système d'arrosage.Dans le domaine de la santé maintenant, en quoi l'intelligence artificielle peut-elle aider le médecin à détecter des maladies ?Oui, l'intelligence artificielle peut être utilisée, notamment à partir de tout ce qui est imagerie médicale, pour identifier ou prédire des pathologies. À ce moment, il s'agit d'une aide au médecin ou une aide à la décision du médecin qui, à partir des IRM et des images de radiographie ou d'échographie, va les passer à une intelligence artificielle et obtiendra des résultats qu'il pourra ou non confirmer grâce à son expertise. Dans le même temps, on peut avoir des intelligences artificielles qui sont utilisées par des patients, qui vont pouvoir faire des pré diagnostics sur la base d'une collecte d'informations personnelles, par exemple la température, une image de la peau, une image des yeux, du nez, et cetera, et donc obtenir un diagnostic, un pré diagnostic pardon qui va être confirmé plus tard par un médecin expérimenté.Dans le domaine de l'éducation, pour les apprenants et les élèves qui ne parlent ni français ni anglais, qui ne parlent que leur langue locale, qu'est-ce que l'intelligence artificielle apporte de nouveau ?Ce que l'intelligence artificielle apporte de nouveau, c'est que, aujourd'hui, nous avons beaucoup de langues qui sont dites peu dotées, notamment en Afrique, peu dotées parce qu'il n'y a pas suffisamment de matière. On n'a pas suffisamment de données numériques pour pouvoir générer des intelligences artificielles du même niveau que les IA que l'on a en français et en anglais. Et donc les intelligences artificielles qui sont développées sur les langues africaines, notamment, permettent ce qu'on appelle la reconnaissance de la parole. On a donc des apprenants qui peuvent s'exprimer dans leur langue maternelle et les IA sont capables de faire de la traduction automatique ou même de comprendre ce qu'a dit l'apprenant. Un exemple, un élève dans une salle de classe peut poser une question dans sa langue maternelle sur un sujet, l’IA va traduire, ou alors va comprendre ce qui a été dit, et aller chercher une réponse, ramener la réponse à l’apprenant, qui va donc améliorer sa compréhension sur le sujet.Alors pour développer l'intelligence artificielle en Afrique, il faut des centres de données, est-ce qu'il y a beaucoup de pays africains équipés de tels centres ?Non, les centres de données pour le moment, on en retrouve très peu en Afrique malheureusement, avec des moteurs de calcul qui sont basés en Afrique. Pour le moment, la grande majorité des intelligences artificielles qui sont conçues par les Africains ou même qui sont conçues sur les données africaines le sont dans des centres de données qui sont hébergés en dehors de l'Afrique.Et quels sont les pays où commence à se développer des centres de données sur le continent ?On a par exemple le Sénégal qui a des centres de données, mais qui en plus a acquis un supercalculateur il y a quelques années. En Afrique du Sud, au Kenya, au Maroc, on retrouve également de grands centres de données qui ont déjà été mis en place. Dans les pays comme le Cameroun, on a quelques centres de données qui appartiennent à des entreprises privées, aussi on a un centre de données qui appartient à une société d'État. Mais ces centres de données-là ne sont pas encore exploités pour produire de l'intelligence artificielle.Alors l'intelligence artificielle, ça ne marche évidemment que si on est équipé d'un téléphone mobile et que si on a accès à Internet, est ce qu'il n'y a pas blocage de ce côté-là ?Oui, effectivement, il y a des blocages. Si on s'en tient au dernier rapport de l'association interprofessionnelle GSMA sur l'Afrique, le taux de pénétration de la téléphonie mobile est de l'ordre de quatre-vingt-dix-sept pour 100, soit quasiment un téléphone par personne. Cependant, on a que 70% des téléphones qui sont des smartphones et on sait bien que, pour accéder à des solutions d'intelligence artificielle, le smartphone est l'outil le plus adapté. En tout cas, sur le continent africain, on a également la problématique de la connexion internet. Le même rapport indique que l'on est aujourd'hui à 30% de la population africaine qui utilise Internet. Ces chiffres-là sont très faibles, mais ils ont doublé en 10 ans, ce qui permet de penser que, dans les années à venir, ce nombre-là va encore augmenter considérablement.À lire aussiIntelligence artificielle en Afrique: l’IA change la donne chez les communicants [2/3]
Guillaume Junior Atangana, porte-drapeau de l'équipe paralympique des réfugiés, est notre Grand invité Afrique du jour. Para-athlète âgé de 25 ans, spécialiste du 100 et du 400 m chez les déficients visuels, il entre en lice ce samedi au Stade de France. Originaire du Cameroun et installé en Grande-Bretagne depuis 2022, il avait fini au pied du podium sur le 400 m aux Jeux de Tokyo. Cette fois, il ne veut pas rater la marche. Avant d'entrer sur la piste, il nous raconte son parcours, ses choix et ses ambitions. ►Guillaume Atangana entrera en piste pour le 400 m aux alentours de 10 h 30 TUÀ lire aussiJeux paralympiques: Guillaume Junior Atangana, l'espoir d'une médaille pour les réfugiés► Le programme et le calendrier des Jeux paralympiques est à consulter ici► Tous nos articles sur les Jeux paralympiques sont à retrouver ici
C'était le 30 août 2023 au Gabon, il y a tout juste un an… Par un coup d'État militaire, le chef de la garde présidentielle, le général Oligui Nguema, mettait fin à la dynastie Bongo, qui était au pouvoir depuis 56 ans. Ce putsch a-t-il été longuement préparé dans le secret ? Sans doute pas. Un an après, on en sait un peu plus sur les coulisses de l'événement et sur une dispute qui aurait pu tout déclencher la veille au soir. À l'époque, Alain Claude Billie By Nzé était le Premier ministre du président Ali Bongo. Aujourd'hui, il est dans l'opposition. En ligne de Libreville, il témoigne au micro de Christophe Boisbouvier. RFI : À votre avis, qu'est-ce qui a motivé les militaires à prendre le pouvoir il y a un an ?Alain-Claude Billie-by Nzé : Je pense que le général Oligui a voulu être calife à la place du calife. Il s'est saisi d'une fenêtre d'opportunité qui s'est offerte à lui. Il a pris le pouvoir juste pour le pouvoir. Mais derrière ça, il n'y avait pas de projet pour le Gabon.Le général Oligui dit souvent qu'il a fait ce coup pour que l'armée ne soit pas obligée de tirer sur la population, comme après la présidentielle de 2016.Écoutez le général Oligui, il lui aurait donc suffi de confier le pouvoir à celui qui à ses yeux aurait gagné l'élection, c'est-à-dire le professeur Ondo Ossa. Or, il ne l’a pas fait non plus, ce qui conforte bien que c'est un prétexte. Il a juste voulu prendre le pouvoir pour lui et pas pour sauver la démocratie.Alors si le coup d'État est arrivé, c'est notamment parce que le général Oligui Nguema d'un côté, la première dame Sylvia Bongo et son fils Noureddine Bongo de l'autre côté, ne se supportaient plus, et cette discorde au sommet de l'État, est-ce que vous la constatiez au quotidien à l'époque ?Ça, c'est un narratif qui peut aujourd'hui se laisser construire par le général Oligui. Mais le général Oligui était un habitué de la résidence privée d'Ali Bongo et donc un fidèle de Sylvia Bongo, c'était un enfant de la maison, c'était un parent et c'était un membre d'une même équipe. Et donc s'il y a eu brouille, c’est une brouille entre membres d'une même équipe.Alors, à propos de brouille, justement, l'accrochage verbal [relaté par Jeune Afrique] entre Noureddine Bongo et le général Oligui, le 29 août 2023, c'est-à-dire quelques heures avant le putsch, parce que le fils du président reproche au chef de la Garde républicaine les mauvais scores du candidat Ali Bongo dans les bureaux de vote du centre de Libreville… Est-ce que vous confirmez ?C'est une version qui me paraît tout à fait crédible parce que, précisément, s'il y a dispute à ce moment-là, c'est bien qu'il n'y avait pas de brouille bien avant cette dispute du 29 au soir.Au milieu de la nuit, Ali Bongo, sa femme et son fils sont arrêtés à leur domicile. Et vous, qu'est-ce qui vous arrive ?Je n'ai pas été arrêté, je n'ai pas été inquiété, je suis allé à mon domicile. Jusqu'au lendemain. Mais vous savez, si je n'ai pas été arrêté et inquiété, c'est bien parce que ceux qui ont procédé aux arrestations savaient que je n'ai joué aucun rôle dans l'organisation à proprement parler du scrutin. Je n'avais donc rien à voir avec ce qui s'est passé.Est-ce qu'il y a eu de la résistance de la part de certaines unités de l'armée ?Lorsqu'un coup d'État est mené par celui qui est censé protéger le chef d'État, je ne pense pas qu'il peut y avoir résistance et c'est pour ça que ce coup d'État a réussi parce qu'il était interne.À votre connaissance, est-ce que ce coup a été préparé plusieurs semaines à l'avance et que personne n'a parlé jusqu’au jour fixé ?Non. C’est pour cela que je conteste la version d’un coup d’État par l’ensemble des forces armées gabonaises, parce qu’il aurait été impossible de tenir un tel secret. Je pense que quelques personnes y ont pensé, et la brouille entre Noureddine et Oligui a été l’élément déclencheur. C’est ce que je pense.La brouille du 29 au soir, quelques heures avant le putsch ?C'est cela, je pense qu’il n'y a pas eu une longue préparation en amont puisqu'on a vu comment tout ça a tâtonné par la suite. Ça veut dire que, pour moi, c'est un coup d'État d'opportunité, opportuniste, pour quelqu'un qui a voulu être calife à la place du calife.Quels sont les tâtonnements dont vous parlez ?Déjà, il avait annoncé qu'il allait restaurer les institutions. Cela fait maintenant douze mois. On n'a aucune perspective de restauration d'institutions. Nous n'avons aucun calendrier de sortie de la transition, ni un calendrier de retour à l'ordre constitutionnel. Ça montre bien que tout ça n'était pas planifié.Un an après, Alain-Claude Billie-by Nzé, est-ce que ce coup d'État vous apparaît comme un vrai changement de pouvoir ou comme une simple purge à l'intérieur du clan ?Je pense déjà qu'aujourd'hui ce qui se fait, c'est une confiscation du pouvoir. Hier, il y avait la « Young team », aujourd'hui c'est le CTRI « Le Comité pour la transition et la restauration des institutions » qui a remplacé la « Young team ». Ce n'est pas un changement de fond, il s'agit d'un changement de personnes. Le général Oligui a dit qu'il ne fallait plus de nominations copains-coquins, aujourd'hui, il pratique les nominations copains-coquins, il a ajouté les consanguins. Et donc, de mon point de vue, ce n'est pas un changement, c'est un remplacement. Et dans sa bouche, il ne parle jamais de rupture et de réorientation. Et donc, il a pris le pouvoir pour perpétuer le système sans le changer.Ce que vous appelez la « Young Team », ce sont les jeunes qui entouraient Nouredinne Bongo, du temps où son père était au pouvoir. Serez-vous candidat à la présidentielle de l'année prochaine ?C'est une question que je n'exclus pas, mais c'est une question qui se posera lorsqu'on aura vu la nouvelle configuration de la Constitution et des différentes lois électorales, puisque c'est une Constitution qu’ils disent tirée des conclusions du Dialogue national, lequel Dialogue national exclut pas mal de personnalités du jeu démocratique gabonais.À lire aussiUn an de transition au Gabon: une économie en quête de confiance et de croissance
Quinze jours après que l’OMS a déclenché son plus haut degré d’alerte face à la résurgence des cas de Mpox en Afrique, l’épidémie continue de progresser sur le continent. La RDC reste de loin le pays le plus touché, mais l’épidémie s’étend. Treize autres pays présentent désormais des cas suspects. Plusieurs États ont promis d’envoyer prochainement des doses de vaccins. Quand ces doses seront-elles livrées ? En quelles quantités ? À quand la fabrication de vaccins sur le continent ? Entretien avec Jean Kaseya, le directeur général d’Africa CDC, le Centre de contrôle et de prévention des maladies de l’Union africaine. RFI : le Mpox poursuit sa progression sur le continent. L'Africa CDC fait état de près de 23 000 cas suspects détectés au 27 août et plus de 600 décès. Est-ce que ces chiffres vous inquiètent ?Jean Kaseya : Ces chiffres m'inquiètent au plus haut point, puisque ça prouve ce que nous disons tous les jours, que nous avons plusieurs épidémies Mpox en une. Pourquoi nous le disons, c'est puisque nous avons quatre variants qui se côtoient aujourd’hui en Afrique et qui ont des épidémiologies différentes, qui ont des symptomatologies qui se présentent dans les différents groupes d'âges et qui aujourd'hui n’ont pas suffisamment de recul en termes de médicaments et en termes de mesures applicables comme les vaccins et autres. Donc, ça m'inquiète au plus haut point.La RDC reste, et de loin, le pays le plus touché. Est-ce que c'est là où la progression est la plus forte ces derniers jours ?La progression est forte dans plusieurs provinces de la RDC. Mais la progression, on la voit aussi dans d'autres pays africains comme le Burundi, comme la RCA. Mais je dois dire, ce qui m'inquiète le plus, c'est que nous avons des pays qui sont non endémiques, mais qui ont rapporté pour la première fois des cas de Mpox comme le Gabon. Le ministre de la Sierra Leone m'informait aujourd’hui [mercredi 28 août], qu’il a eu un cas qui lui semble patent pour Mpox. Mais comme la Sierra Leone n'a pas de laboratoire fiable, il ne peut pas confirmer cela. Et donc moi, je considère, sur base de la symptomatologie, sur base de l'histoire de la maladie, que c'est un cas suspect de Mpox. Et je classe la Sierra Leone maintenant comme un nouveau pays qui est le 14e pays affecté par le Mpox.Plusieurs pays ont promis d'envoyer des doses de vaccin au continent. Quelle sera l'ampleur de ces livraisons ?Je voudrais reconnaître l'effort que les partenaires d'Afrique ont fait pour jusque-là, sécuriser les vaccins que nous avons. Nous avons d'abord, avec la branche humanitaire de l'Union européenne, sécurisé 215 000 doses. À cela s'ajoute les 100 000 doses que la France vient de donner par le même mécanisme de l’Union européenne et Africa CDC. En plus, nous avons 100 000 doses qui viendront de l’Allemagne. Mais je dois saluer le gouvernement espagnol, puisque l’Espagne donne 500 000 doses de vaccins. À ces doses-là qui représentent à peu près 1 million de doses, nous savons que Gavi est aussi en train de travailler avec nous, pour disponibiliser autour de 500 000 doses. Donc, nous pouvons dire qu'à ce stade, nous partons déjà autour de 1,5 ou 1,6 million de doses, sur les 10 millions que nous voulons avoir.À quelle échéance ces doses seront-elles livrées au continent ?Les vaccins que nous avons déjà eus, par exemple les 215 000 doses sont disponibles même à partir de demain. Ce que nous voulons, avant que les vaccins arrivent aux pays, c'est qu’il y ait une bonne logistique qui soit en place. Donc, je suis en train d'espérer et de travailler, comme je pense que le niveau de préparation des pays est assez optimal, que la semaine prochaine, les premières doses des vaccins sécurisés par Africa CDC, dans le mécanisme que nous avons mis en place, vont atterrir dans les différents pays.Mais combien de doses, précisément, pourraient arriver dès la semaine prochaine ?Nous allons commencer graduellement, et ça, c'est important que la population africaine le sache : nous avons décidé, à Africa CDC, de faire en sorte que ce qui s'est passé avec le Covid n'arrive plus. Donc, l’accord que nous avons avec la société Bavarian Nordic qui produit ces vaccins, c'est que cette année, ils vont nous donner 3 millions de doses. Mais ils vont aussi faire le transfert des technologies pour que ce vaccin soit produit sur le continent africain, par les compagnies africaines. Nous avons déjà un accord et nous avons déjà sélectionné la société qui pourrait faire cette production. Nous pensons que d'ici février, la société africaine qui a été sélectionnée sera en mesure d'inonder le marché africain avec le vaccin Mpox.À lire aussiMpox: pourquoi l'accès aux vaccins est problématique en Afrique?
C'est ce soir (20h heure française) que s'ouvrent les Jeux paralympiques de Paris 2024 (à suivre en édition spéciale sur RFI). 44 pays africains vont participer à ces Jeux. Le sport paralympique en Afrique est balbutiant, il y aura moins d'athlètes pour cette édition par rapport à celle de Tokyo en 2021. Mais le continent affiche de plus en plus d'ambition pour relever le niveau de ses para-athlètes, même si les défis restent nombreux, selon Étienne Songa Bidjocka, secrétaire général du Comité national paralympique camerounais et membre du Comité paralympique africain. Il répond aux questions de Sidy Yansané. RFI : Aux derniers Jeux paralympiques de Tokyo, les athlètes africains avaient remporté 63 médailles, donc beaucoup moins qu'à Rio de Janeiro en 2016. Vous pensez que l'Afrique est mieux préparée cette fois-ci pour les Jeux de Paris ?Étienne Songa Bidjocka : Il faut dire que non, puisque, déjà, en termes de participation, cette année, c'est 29 % d’athlètes en moins par rapport à Tokyo. Avec moins de représentants africains, il serait étonnant de voir l'Afrique faire mieux en termes de médailles d’ici la fin de ces Jeux. Donc, on n'est pas très optimiste.Hormis quelques pays, on reproche à la plupart des États africains leur peu d'ambition en matière de politique sportive : manque de financement, de soutien, d'infrastructures... Quels sont les défis à relever, selon vous, pour les disciplines paralympiques ?Vous avez tout dit pratiquement. Le problème majeur, il n'est pas que paralympique, il commence avec les Olympiques, mais il est aggravé avec les Paralympiques parce que, justement, il y a une question de financement du sport en général. Maintenant, le problème se pose avec plus d'acuité pour le sport paralympique, parce qu’il n'y a pas d'infrastructures pour la pratique du sport paralympique. Les choses demandées ne sont pas toujours adaptées et quand elles sont disponibles, l'accessibilité n'est pas évidente : il faut payer des salles, des gymnases, etc. Au niveau du matériel, vous avez des sports qui sont « interdits » en Afrique, comme le basketball en fauteuil. Ce ne sont que des pays d'Amérique, d'Afrique du Nord ou d'Afrique du Sud qui peuvent acquérir le matériel qui est extrêmement cher. En termes de technologie assistive, c'est-à-dire des prothèses, des orthèses, donc tout le matériel d'accompagnement pour la pratique de ces sports-là, il faut oublier l'Afrique, car un bon fauteuil de basketball, de tennis, ça va dans les 2 000 euros ! Qui va acheter cinq, six, sept, dix fauteuils ? Ce n’est pas évident. Donc, vous constatez que seulement au niveau du matériel, de l'équipement para-sportif, il y a plein de sports pour lesquels l'Afrique est déjà « out » de façon directe. Et quand vous avez les moyens pour participer à des compétitions qualificatives, ce qui est déjà difficile, vous avez des problèmes de visa par exemple. Pour une délégation de dix athlètes qui doivent aller en France, ce n’est pas sûr pour vous d’obtenir tous les visas, et c'est le cas pour tous les pays de l'Occident. C’est difficile pour les pays africains à plusieurs niveaux.Malgré tout, l'Afrique semble se fixer une ambition pour le sport et même pour le sport paralympique, puisque pour la première fois l'an dernier, des Jeux paralympiques africains se sont tenus au Ghana. Quels sont les retours que vous avez pu avoir de cette expérience inédite et peut-on considérer que cela a été une réussite ?Oui, c'est une réussite, parce qu’on l'a fait. Il fallait marquer l'histoire et ça a été fait. Il faut saluer à ce titre le président du Comité paralympique africain, Samson Deen, qui, depuis son arrivée en 2021, a quand même fait un certain nombre d'efforts pour relever le niveau du paralympique en Afrique. Alors oui, ces Jeux n'étaient pas parfait sur le plan organisationnel, c'était une première. Il y a eu des difficultés en termes de financement parce que ce n'était pas pris en charge par l'Union africaine. Vous savez que les Jeux africains sont la propriété de l'Union africaine normalement. Or, ces Jeux se sont faits en marge de l'Union africaine et ils étaient financés par le gouvernement du Ghana. Et ce n’est pas évident pour un gouvernement à lui seul de financer des infrastructures et autres.Justement, existe-t-il des réflexions pour une mutualisation des moyens entre États ? Une sorte de panafricanisme du sport en quelque sorte, dans lequel, à titre d'exemple, l'Afrique du Sud ouvrirait ses infrastructures à des athlètes d'autres pays ou le Maroc qui prendrait en charge les besoins d'un athlète camerounais ?Nous avons un projet que nous sommes en train de porter : faire un village paralympique au Cameroun. Un village qui servira à l'ensemble de l'Afrique, notamment subsaharienne, avec des infrastructures modernes et qui permettra d'organiser des stages de préparation, des compétitions au niveau régional, continental. C'est une des réflexions. Mais effectivement, vous avez parlé de l’autre réflexion qui est de travailler en partenariat, en synergie entre nous. Ce sont des idées qui ont déjà été avancées, avec notamment les Comités paralympiques de Tunisie et du Maroc. Mais le problème, c'est toujours le financement. On va vous dire : « Ecoutez, on est d'accord, vous pouvez venir sur nos installations travailler une ou deux semaines. » Mais là, il faut encore pouvoir financer cela. Il faut trouver des bailleurs de fonds, il faut trouver des institutions qui sont capables de financer la pratique du sport paralympique à un niveau d'élite, afin d’améliorer la performance et ainsi justement gonfler le nombre de para-athlètes africains dans les Jeux paralympiques, comme à Paris, Tokyo ou à Los Angeles. Toutes ces idées sont là, mais il faut trouver les moyens de les financer. Et c'est cela pour le moment qui fait vraiment défaut.► Tous nos articles sur les Jeux paralympiques sont à retrouver ici.► Le programme et le calendrier des Jeux paralympiques est à consulter ici.
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