DiscoverLe grand invité AfriqueAlain-Claude Billie-by Nzé: «Le général Oligui Nguema a pris le pouvoir sans projet pour le Gabon»
Alain-Claude Billie-by Nzé: «Le général Oligui Nguema a pris le pouvoir sans projet pour le Gabon»

Alain-Claude Billie-by Nzé: «Le général Oligui Nguema a pris le pouvoir sans projet pour le Gabon»

Update: 2024-08-30
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C'était le 30 août 2023 au Gabon, il y a tout juste un an… Par un coup d'État militaire, le chef de la garde présidentielle, le général Oligui Nguema, mettait fin à la dynastie Bongo, qui était au pouvoir depuis 56 ans. Ce putsch a-t-il été longuement préparé dans le secret ? Sans doute pas. Un an après, on en sait un peu plus sur les coulisses de l'événement et sur une dispute qui aurait pu tout déclencher la veille au soir. À l'époque, Alain Claude Billie By Nzé était le Premier ministre du président Ali Bongo. Aujourd'hui, il est dans l'opposition. En ligne de Libreville, il témoigne au micro de Christophe Boisbouvier.

RFI : À votre avis, qu'est-ce qui a motivé les militaires à prendre le pouvoir il y a un an ?

Alain-Claude Billie-by Nzé : Je pense que le général Oligui a voulu être calife à la place du calife. Il s'est saisi d'une fenêtre d'opportunité qui s'est offerte à lui. Il a pris le pouvoir juste pour le pouvoir. Mais derrière ça, il n'y avait pas de projet pour le Gabon.

Le général Oligui dit souvent qu'il a fait ce coup pour que l'armée ne soit pas obligée de tirer sur la population, comme après la présidentielle de 2016.

Écoutez le général Oligui, il lui aurait donc suffi de confier le pouvoir à celui qui à ses yeux aurait gagné l'élection, c'est-à-dire le professeur Ondo Ossa. Or, il ne l’a pas fait non plus, ce qui conforte bien que c'est un prétexte. Il a juste voulu prendre le pouvoir pour lui et pas pour sauver la démocratie.

Alors si le coup d'État est arrivé, c'est notamment parce que le général Oligui Nguema d'un côté, la première dame Sylvia Bongo et son fils Noureddine Bongo de l'autre côté, ne se supportaient plus, et cette discorde au sommet de l'État, est-ce que vous la constatiez au quotidien à l'époque ?

Ça, c'est un narratif qui peut aujourd'hui se laisser construire par le général Oligui. Mais le général Oligui était un habitué de la résidence privée d'Ali Bongo et donc un fidèle de Sylvia Bongo, c'était un enfant de la maison, c'était un parent et c'était un membre d'une même équipe. Et donc s'il y a eu brouille, c’est une brouille entre membres d'une même équipe.

Alors, à propos de brouille, justement, l'accrochage verbal [relaté par Jeune Afrique] entre Noureddine Bongo et le général Oligui, le 29 août 2023, c'est-à-dire quelques heures avant le putsch, parce que le fils du président reproche au chef de la Garde républicaine les mauvais scores du candidat Ali Bongo dans les bureaux de vote du centre de Libreville… Est-ce que vous confirmez ?

C'est une version qui me paraît tout à fait crédible parce que, précisément, s'il y a dispute à ce moment-là, c'est bien qu'il n'y avait pas de brouille bien avant cette dispute du 29 au soir.

Au milieu de la nuit, Ali Bongo, sa femme et son fils sont arrêtés à leur domicile. Et vous, qu'est-ce qui vous arrive ?

Je n'ai pas été arrêté, je n'ai pas été inquiété, je suis allé à mon domicile. Jusqu'au lendemain. Mais vous savez, si je n'ai pas été arrêté et inquiété, c'est bien parce que ceux qui ont procédé aux arrestations savaient que je n'ai joué aucun rôle dans l'organisation à proprement parler du scrutin. Je n'avais donc rien à voir avec ce qui s'est passé.

Est-ce qu'il y a eu de la résistance de la part de certaines unités de l'armée ?

Lorsqu'un coup d'État est mené par celui qui est censé protéger le chef d'État, je ne pense pas qu'il peut y avoir résistance et c'est pour ça que ce coup d'État a réussi parce qu'il était interne.

À votre connaissance, est-ce que ce coup a été préparé plusieurs semaines à l'avance et que personne n'a parlé jusqu’au jour fixé ?

Non. C’est pour cela que je conteste la version d’un coup d’État par l’ensemble des forces armées gabonaises, parce qu’il aurait été impossible de tenir un tel secret. Je pense que quelques personnes y ont pensé, et la brouille entre Noureddine et Oligui a été l’élément déclencheur. C’est ce que je pense.

La brouille du 29 au soir, quelques heures avant le putsch ?

C'est cela, je pense qu’il n'y a pas eu une longue préparation en amont puisqu'on a vu comment tout ça a tâtonné par la suite. Ça veut dire que, pour moi, c'est un coup d'État d'opportunité, opportuniste, pour quelqu'un qui a voulu être calife à la place du calife.

Quels sont les tâtonnements dont vous parlez ?

Déjà, il avait annoncé qu'il allait restaurer les institutions. Cela fait maintenant douze mois. On n'a aucune perspective de restauration d'institutions. Nous n'avons aucun calendrier de sortie de la transition, ni un calendrier de retour à l'ordre constitutionnel. Ça montre bien que tout ça n'était pas planifié.

Un an après, Alain-Claude Billie-by Nzé, est-ce que ce coup d'État vous apparaît comme un vrai changement de pouvoir ou comme une simple purge à l'intérieur du clan ?

Je pense déjà qu'aujourd'hui ce qui se fait, c'est une confiscation du pouvoir. Hier, il y avait la « Young team », aujourd'hui c'est le CTRI « Le Comité pour la transition et la restauration des institutions » qui a remplacé la « Young team ». Ce n'est pas un changement de fond, il s'agit d'un changement de personnes. Le général Oligui a dit qu'il ne fallait plus de nominations copains-coquins, aujourd'hui, il pratique les nominations copains-coquins, il a ajouté les consanguins. Et donc, de mon point de vue, ce n'est pas un changement, c'est un remplacement. Et dans sa bouche, il ne parle jamais de rupture et de réorientation. Et donc, il a pris le pouvoir pour perpétuer le système sans le changer.

Ce que vous appelez la « Young Team », ce sont les jeunes qui entouraient Nouredinne Bongo, du temps où son père était au pouvoir. Serez-vous candidat à la présidentielle de l'année prochaine ?

C'est une question que je n'exclus pas, mais c'est une question qui se posera lorsqu'on aura vu la nouvelle configuration de la Constitution et des différentes lois électorales, puisque c'est une Constitution qu’ils disent tirée des conclusions du Dialogue national, lequel Dialogue national exclut pas mal de personnalités du jeu démocratique gabonais.

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