«Trop d’enfants reçoivent un enseignement dans une langue qu’ils ne comprennent pas»
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Retour aux questions d’éducation, que vous considérez comme la priorité parmi les priorités. Vous avez organisé le 6 juin dernier un dialogue virtuel sur le thème de la place des langues locales africaines dans les systèmes éducatifs en Afrique de l’Ouest.
C’est peut-être l’une des plus cruciales à traiter si l’on veut remédier aux évaluations parfois accablantes de la qualité des apprentissages des enfants dans les langues officielles héritées de la colonisation (le français, l’anglais et le portugais dans les pays d’Afrique de l’Ouest).
Dans une région où tous les pays sont caractérisés par une extraordinaire diversité linguistique, l’enseignement de qualité dans les langues locales africaines, dans les langues parlées par les enfants à la maison et dans leur environnement social, semble encore aujourd’hui un défi insurmontable.
En juillet 2021, la Banque mondiale avait publié un rapport qui réaffirmait ce que de nombreux experts des sciences de l’éducation expliquaient depuis longtemps : « Les enfants apprennent mieux et sont plus susceptibles de poursuivre leurs études lorsqu’ils commencent leur scolarité dans une langue qu’ils utilisent et comprennent ». Le rapport observait que « Trop d’enfants reçoivent un enseignement dans une langue qu’ils ne comprennent pas, ce qui est l’une des principales raisons pour lesquelles de nombreux pays ont de très faibles niveaux d’instruction ». Des études montrent que les enfants qui reçoivent un enseignement dans leur langue maternelle et quotidienne ont 30 % de chances en plus que les autres de savoir lire à la fin de l’école primaire.
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Votre invité, Hamidou Seydou Hanafiou, docteur en linguistique et sciences du langage, enseignant-chercheur à l’université Abdou Moumouni de Niamey, a insisté sur le fait que « les Africains – ou une partie d’entre eux plus précisément – sont les seuls au monde à commencer leur éducation avec une langue qui n’est pas celle qu’ils parlent à la maison ».
Nous avons eu plus de deux heures d’une conversation franche qui a fait ressortir, au-delà de l’expertise pointue sur le sujet, la passion et l’engagement de notre invité qui a mis le doigt sur les véritables causes de l’insuffisance de résultats des nombreuses réformes des systèmes éducatifs dans les pays francophones de la région, y compris dans son pays, le Niger, pourtant pionnier de l’introduction des langues maternelles dans l’enseignement formel avec une première école expérimentale bilingue ouverte en 1973-1974.
Absence de volonté politique, changements réguliers d’orientations stratégiques du fait de l’instabilité à la tête des ministères, incapacité des États à prendre le relais des financements extérieurs. Dr Hanafiou a témoigné du fait que des hauts fonctionnaires des ministères concernés étaient parfois les plus hostiles à l’enseignement dans les langues premières. Évidemment, il est difficile d’obtenir des résultats lorsqu’on met en œuvre des politiques auxquelles on ne croit pas.
L’enjeu de l’enseignement des langues locales, c’est la qualité des apprentissages de manière générale, mais c’est aussi la préservation du riche patrimoine linguistique des pays africains.
Oui bien sûr. Et le représentant de l’ambassade d’Irlande au Sénégal, notre partenaire qui soutient notre série de débats sur les questions d’éducation au cours de cette année, décrétée année de l’éducation par l’Union africaine, a rappelé l’importance de la valorisation de la langue irlandaise pour son pays, ancienne colonie britannique.
Il n’est pas inutile de rappeler parfois que les peuples africains ne sont pas les seuls au monde à avoir été victimes du crime de la colonisation à un moment de leur histoire. On se relève de ces périodes douloureuses par l’obsession de l’amélioration du bien-être des populations, par le travail exigeant dans la durée, par la tempérance, l’adaptation au monde tel qu’il est et par l’anticipation de ses évolutions. S’il est un domaine où la croyance aux solutions faciles et à la résolution magique des problèmes par des décrets garantit la production et la reproduction de la médiocrité, c’est bien celui de l’éducation.
À lire aussiLes défis de l'éducation en Afrique
Pour aller plus loin :
► La place des langues locales africaines dans les systèmes éducatifs en Afrique de l’Ouest,
► Haut et fort : Politiques efficaces de langue d’enseignement pour l’apprentissage, Banque mondiale,