Guinée: entre reniements, confiscation du pouvoir et disparitions forcées
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L’actualité en Guinée a été dominée ces derniers jours par l’arrestation au Liberia et le retour en prison du colonel fugitif Claude Pivi, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour crimes contre l’humanité à l’issue du procès du massacre du 28 septembre 2009. Il s’agit d’une bonne nouvelle mais Gilles Yabi rappelle qu’on est toujours sans aucune nouvelle de deux acteurs majeurs de la société civile enlevés par des militaires depuis plus de deux mois.
Il faut saluer l’aboutissement du procès du massacre du 28 septembre 2009 et les condamnations de l’ancien président Moussa Dadis Camara, de Claude Pivi et de quelques autres. Mais cela ne doit pas faire illusion : l’exercice du pouvoir à Conakry reste caractérisé par la mauvaise foi, la violence et l’impunité.
Sur le plan du respect des engagements, de la charte de transition et de la parole donnée, pas de changement par rapport à la junte de Dadis Camara à l’époque puisque le général Mamadi Doumbouya affiche désormais tous les signes d’une volonté de rester au pouvoir au-delà de la période de transition, en étant très probablement candidat à un futur scrutin présidentiel. Les personnalités politiques civiles qui l’accompagnent répètent ces jours-ci à l’envi qu’aucun citoyen ne doit être exclu de la prochaine élection, comme si la charte de transition n’avait jamais existé.
Pas de changement non plus dans la brutalité des forces armées pour neutraliser tous ceux qui militent pour un retour à un pouvoir civil démocratique et pour la construction d’un État de droit. Ceux qui en font les frais s’appellent Oumar Sylla, alias Foniké Menguè, et Mamadou Billo Bah, deux des principaux responsables du Front national de défense de la constitution (FNDC), mouvement qui avait incarné la contestation pacifique du troisième mandat du président Alpha Condé. C’est aussi ce mouvement qui, contrairement à beaucoup d’autres, a très vite perçu le danger d’une confiscation durable du pouvoir par le général Doumbouya.
Ces deux leaders de la société civile ont été arrêtés par des éléments des forces de défense et de sécurité mais aucune autorité n’a endossé la responsabilité de ces événements du 9 juillet dernier. Cela est très inquiétant, dites-vous...
Oui. Un jeune militant du FNDC, Mohamed Cissé, avait été emmené par les hommes armés cette nuit-là en même temps que les deux responsables du mouvement. Il a été relâché le lendemain, et a raconté plus tard dans un témoignage vidéo glaçant les circonstances détaillées de ces enlèvements, les menaces, les coups, les gifles, les tortures subis par les trois hommes. Plus aucune nouvelle des deux dirigeants du FNDC depuis lors. Le 22 juillet dernier, les épouses des deux hommes ont déposé une plainte en France pour disparition forcée contre le général Mamadi Doumbouya, ancien légionnaire de l’armée française, du fait de sa double nationalité présumée.
Les épouses des deux responsables du FNDC ont récemment appelé le général Mamadi Doumbouya à leur transmettre des signes de vie de leurs conjoints. « Aujourd'hui, tous les Guinéens sont des Oumar Sylla Fonikè Manguè et des Mamadou Billo Bah, Les gens ont tendance à s'asseoir et dire ''tant que je ne suis pas directement victime, cela ne me regarde pas" », a déclaré une des conjointes, plus angoissée que jamais. Elle a parfaitement raison.
Au-delà du sort de ces deux hommes, ce qui est en jeu selon vous, c’est la poursuite des pratiques brutales qui détruisent l’avenir des Guinéens depuis des décennies.
Oui. Les meneurs du FNDC avaient depuis 2019 de nombreuses occasions d’abandonner leur lutte et ils pouvaient comme beaucoup d’autres se ranger après le coup d’État de Mamadi Doumbouya : accepter une fonction publique pour se constituer une petite cagnotte et vivre plus confortablement, louer « les qualités exceptionnelles » des hommes forts du moment et ne plus prendre le risque d’être martyrisé. Les personnes de caractère et de principe représentent un cauchemar pour les dirigeants prêts à tout pour conserver le pouvoir. Lorsque leurs voix se font éteindre sans aucune conséquence, il n’y a plus aucune limite à la loi du plus fort, du plus violent. La Guinée en est toujours là.
Pour aller plus loin:
- Témoignage Mohamed Cisse codétenu de Foniké Mangué et Billo Bah
- Deuxième partie du témoignage de Mohamed Cissé, codétenu de Foniké Mangué et Billo Bah
- Dernière partie du témoignage du camarade Mohamed Cissé ex codétenu de Foniké Mangué et Billo Bah
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