DiscoverÇa fait débat avec WathiIncertitudes et risque de désintégration régionale sans précédent en Afrique de l’Ouest
Incertitudes et risque de désintégration régionale sans précédent en Afrique de l’Ouest

Incertitudes et risque de désintégration régionale sans précédent en Afrique de l’Ouest

Update: 2024-06-16
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Vous avez publié il y a quelques jours une tribune avec ce titre « Face à la menace de la désintégration régionale en Afrique de l’Ouest, la résignation n’est pas une option ». C’est une alerte sur les conséquences graves d’une fragmentation institutionnelle et politique de l’Afrique de l’Ouest si le Mali, le Burkina Faso et le Niger ne reviennent pas sur leur décision de quitter la Cédéao.

Tout à fait. Le 28 mai dernier marquait les 49 ans d’existence de la Cédéao. Il se pourrait bien que dans un an, au moment de commémorer un demi-siècle de processus d’intégration, la Cédéao ait perdu trois parmi ses 15 pays membres. Ce serait un anniversaire bien triste. L’annonce simultanée le 28 janvier 2024 de la sortie de la Cédéao par les gouvernements de Bamako, Ouagadougou et Niamey, tous dirigés par des militaires, a ouvert une crise sans précédent du processus d’intégration régionale.

À lire aussiCédéao: le plaidoyer de l’organisation régionale pour convaincre Burkina Faso, Mali et Niger de rester

Avec ce texte, je voulais attirer l’attention à la fois sur le degré très élevé d’incertitudes politiques et sécuritaires, même à court terme, dans plusieurs pays de la région et sur les implications probables d’un arrêt brutal du processus d’intégration régionale. Douze ans après le début de la crise malienne en 2012, l’état des lieux sécuritaire, politique et sociétal dans la moitié au moins des pays d’Afrique de l’Ouest est très préoccupant et les tensions vives entre des pays voisins augmentent les risques d’amplification des crises internes. Nous avons publié cette semaine sur le site de Wathi une tribune de Juste Codjo, professeur de Sécurité internationale aux États-Unis et ancien officier béninois, qui alerte sur le risque d’une escalade dans l’animosité actuelle entre le Bénin et le Niger. 

Vous dites que le coût politique de l’annonce de la sortie de la Cédéao pour les dirigeants des trois gouvernements sahéliens était limité parce qu’ils étaient au fait de l’image dégradée de l’organisation régionale au sein d’une grande partie des populations ouest-africaines

Tout à fait. Il faut reconnaître l’accumulation au cours des dernières années de décisions malheureuses prises par l’autorité politique de la Cédéao qui est la conférence des chefs d’État et de gouvernement. Les plus graves furent sans doute les sanctions économiques indiscriminées contre le Mali puis le Niger, frappant directement les populations de pays parmi les plus démunis du continent et l’annonce d’une intervention militaire au Niger. 

Ces décisions ont offert l’occasion inespérée aux dirigeants militaires de se poser en victimes et de mobiliser leurs opinions publiques au nom de la défense de la patrie agressée. Cela leur a permis, en particulier au Niger, de détourner l’attention du coup d’État lui-même, de l’incohérence des justifications mises en avant et des conséquences durables sur leur pays. 

Selon vous, beaucoup de citoyens ouest-africains réduisent la Cédéao à la Conférence des chefs d’État et de gouvernement et à leurs décisions sur les crises politiques et sécuritaires.

Oui, et cela est tout à fait malheureux, permettant à des dizaines d’influenceurs, parfois de bonne foi, souvent de mauvaise foi, de désinformer massivement et de traiter avec légèreté de sujets d’une importance capitale pour la région. Les critiques sur la Cédéao sont indispensables pour pousser l’organisation à faire beaucoup mieux dans tous les domaines, tout en n’oubliant jamais qu’aucune organisation régionale ne peut compenser les déficits de leadership politique éclairé et de capacité au niveau de ses États membres. Mais ceux qui prônent l’abandon par la Cédéao de son agenda politique, ou se réjouissent de son affaiblissement, sont en train de créer les conditions pour le retour à des nationalismes belliqueux et à des régimes autocratiques partout dans la région. Ce n’est pas cette Afrique de l’Ouest là que nous souhaitons pour les jeunes, pour les enfants d’aujourd’hui. 

 ► Pour aller plus loin

 ► « Face à la menace de la désintégration régionale en Afrique de l’Ouest, la résignation n’est pas une option », Olakounlé Gilles Yabi,

►« Tensions Bénin-Niger : quelques leçons d’histoire géopolitique et de relations internationales », Juste Codjo, 

►« L’avenir de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest », table ronde virtuelle.

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