En Sicile, lutter contre les incendies en semant des plantes résistantes aux flammes
Description
L’une des facettes du réchauffement climatique dans le bassin méditerranéen, c’est la sécheresse, et dans son sillage, des incendies gigantesques qui dévorent certains territoires à une vitesse vertigineuse. En Italie, la Sicile est la région la plus touchée par les deux phénomènes. L’été 2023 a été celui des incendies record, l’été 2024 celui d’une sécheresse record. Sur place, des initiatives de la société civile voient le jour pour tenter de trouver des solutions. C’est le cas de l’association Fenice Verde, littéralement le Phénix vert.
De notre correspondante à Palerme,
« Deviens un jardinier de la nature », c’est le slogan de l’association Fenice Verde qui propose, pour la première fois, des ateliers de récolte et de conservation de graines autochtones dans les montagnes qui entourent Palerme tous les week-ends de novembre. « On ramasse les graines, on les certifie conformes, on édite un registre pour assurer leur traçabilité, détaille le président de Fenice Verde, Emiliano Farinella. Ensuite, on fait grandir les plantes chez des pépiniéristes et enfin, on les plante dans les zones qui ont été touchées par les incendies. »
Lors de leurs promenades du week-end, les bénévoles de l’association récoltent donc uniquement des graines d’espèces locales les plus résistantes aux flammes des incendies. Elles servent à créer une banque de plasma germinatif pour faire pousser des bébés plantes et les réintroduire sur les terrains brûlés par les incendies après plusieurs années de jachère. « L’idée, c’est de sélectionner des espèces locales pour préserver un génome compatible avec celui des plantes détruites », explique Emiliano Farinella.
« Il ne pleut pas au moment où justement il devrait pleuvoir »
Ces plantes détruites, adaptées au climat de plus en plus chaud et de moins en moins pluvieux de la Sicile, sont aussi les meilleurs atouts pour contrer un autre effet du changement climatique dans la région : environ 70 % de la Sicile est exposée au risque de désertification. Cet été, la région a vécu un épisode de sécheresse sans précédent. Or, sécheresses et incendies sont liés.
« Le problème, c’est que la végétation est de plus en plus sèche à l’arrivée de l’été, remarque Davide Borgia, membre de l’association de protection de l’environnement Legambiente, à Messine, de l’autre côté de l’île. Et le plus grave, c’est la sécheresse en automne et en hiver, qui fait qu’il ne pleut pas au moment où justement il devrait pleuvoir. La part de flore sèche est de plus en plus élevée, donc petit à petit, même la végétation d’altitude devient plus vulnérable au feu. »
Mais l’espoir est permis et les incendies ne sont pas une fatalité, même si cela demande des décennies de patience.
Au détour d’un virage, le soleil peine à percer sous les feuillages denses. La voiture s’enfonce dans un sous-bois. Davide Borgia s’arrête au bord de la route. Tout autour, il y a des chênes majestueux. C’est un projet de reboisement lancé 20 ans plus tôt et miraculeusement rescapé des flammes. « Pour un botaniste, pour quelqu’un qui aime la nature, ça réchauffe le cœur parce que c’est la promesse de ce que l’on pourrait avoir à terme, s'enthousiasme Davide Borgia. C’est passionnant à étudier. Il y a un peu moins d’herbe sèche qu’ailleurs, c’est plus frais, on sent qu’il y a de l’eau. Même s’il y avait un incendie, il aurait beaucoup de mal à se propager rapidement. »
La Sicile compte encore près de 500 000 hectares de forêt, soit près de 15 % de son territoire. C’est le taux le plus bas d'Italie, juste après les Pouilles.
À écouter dans Grand reportageEn Sicile, tout reconstruire après les flammes