Précarité menstruelle, toilettes dans les écoles et éducation des filles
Description
Le 28 mai est célébrée la Journée mondiale de l'hygiène menstruelle, sans doute pas l’une des plus connues et les plus médiatisées. La question de l’accès à l’information et aux produits essentiels à l’hygiène menstruelle pour les filles est pourtant une question importante et un des défis majeurs pour l’éducation des filles en Afrique.
Wathi a organisé, en mars dernier, une table ronde sur la précarité menstruelle en milieu scolaire, dans le cadre d'une série de débats virtuels sur l’éducation en Afrique de l’Ouest en partenariat avec l’Irlande. Une série commencée avec une table ronde en février dernier sur l’égalité de l’accès des filles à l’enseignement scientifique, ce qu’on appelle généralement les STEM [sciences, technologies, ingénierie et mathématiques, Ndlr]. On se rend compte assez vite dans une telle discussion qu’il y a de nombreuses sous-questions à aborder, qui sont des obstacles à l’éducation dans des conditions minimales d’apprentissage tout court.
Une de ces conditions minimales, c’est le fait pour les filles adolescentes qui commencent à avoir leurs règles, de ne pas devoir manquer plusieurs jours d’école tous les mois. Un des invités à la table ronde, Jerry Azilinon, secrétaire général de Yeewi, une association qui lutte contre la précarité menstruelle au Sénégal, souligne que les filles peuvent manquer jusqu’à 300 heures de cours par an, un quart du temps d’apprentissage, en raison de la précarité menstruelle, qu’on peut définir comme étant la difficulté d’accès aux protections hygiéniques.
La difficulté principale, est-ce le coût financier des protections hygiéniques pour les filles ?
C’est un facteur essentiel. Les protections périodiques coûtent cher, et il s’agit d’une dépense récurrente, sauf pour les serviettes lavables bien conçues qui sont encore trop peu disponibles et connues. Fatoumata Leye, chargée des programmes de l’organisation Kitambaa qui fait de la sensibilisation et du plaidoyer sur le sujet et promeut la production locale de serviettes hygiéniques lavables, a rappelé que les protections périodiques font l’objet de taxes au Sénégal, alors qu’elles devraient être subventionnées notamment pour les filles d’âge scolaire.
Il est clair que les filles issues des familles les plus pauvres et dont les parents ont un niveau d’éducation faible et un accès limité à une information fiable sont les plus affectées par la précarité menstruelle et qu’elles sont aussi celles qui vont voir leur scolarité fortement, parfois irrémédiablement perturbée en raison des menstrues qui sont naturelles pour toutes les filles et toutes les femmes du monde, et qui sont indispensables à la reproduction humaine et donc à la vie.
En plus de l’obstacle économique, l’accès à une bonne information et à une éducation sexuelle et reproductive est un immense défi. Cette table ronde a permis de rendre compte de la réalité que vivent les jeunes filles en milieu scolaire, de leur difficulté à s’informer sur les règles qui surprennent encore beaucoup de filles totalement non préparées lorsqu’elles passent de l’enfance à l’adolescence. Nos deux invités ont aussi rappelé qu’il y avait encore beaucoup de tabou par rapport aux règles, de la désinformation qui pouvait entraîner des pratiques nocives pour la santé des filles, et aussi un niveau parfois ahurissant d’ignorance de la part des garçons et des hommes.
En mettant dans le débat public le sujet de la précarité menstruelle en lien avec celle de l’éducation des filles, vous espérez pousser les élus, les décideurs, à se préoccuper de tout ce qui affecte directement le bien-être de millions de filles.
Tout à fait. Les participants à la table ronde ont par exemple souligné l’état souvent lamentable des toilettes dans les écoles, ce qui rebute particulièrement les filles de manière générale et encore plus pendant leurs règles. Un inspecteur de l’éducation nationale à la retraite au Sénégal a témoigné de cette réalité qui impacte directement l’attachement des filles à l’école.
Certains s’étonneront peut-être que nous nous intéressions à des questions qui semblent triviales et secondaires. Le fait est que nos États ont peu de chances de résoudre des problèmes complexes s’ils ne sont pas capables de régler des questions relativement simples, si nous ne sommes pas collectivement capables de doter nos écoles de toilettes décentes et d’un environnement scolaire propice à l’apprentissage joyeux et confortable des enfants, et pas seulement de ceux des familles privilégiées. Alors oui, pour nous, réduire les périodes d’inconfort, de douleurs physiques et morales des filles, et lever tous les obstacles à la réalisation de leur potentiel, c’est loin d’être une question secondaire.
À écouter aussiJournée mondiale de l’hygiène menstruelle : la parole aux activistes