DiscoverLe grand invité AfriqueChine-Afrique: Pékin est très prudent «pour tout ce qui est engagement dans les questions de sécurité»
Chine-Afrique: Pékin est très prudent «pour tout ce qui est engagement dans les questions de sécurité»

Chine-Afrique: Pékin est très prudent «pour tout ce qui est engagement dans les questions de sécurité»

Update: 2024-09-05
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Grand banquet hier soir, grand discours ce matin... Le président chinois Xi Jinping reçoit ses homologues africains en grande pompe à l'occasion du neuvième sommet Chine-Afrique, qui se tient à Pékin jusqu'au vendredi 6 septembre. Selon un décompte de l'AFP, 25 dirigeants africains sont là. Normal, la Chine est le premier partenaire commercial de l'Afrique. Mais entre la Chine et l'Afrique, tout n'est pas rose. Il y a aussi des sujets d'inquiétude. Valérie Niquet est chercheuse à la Fondation pour la recherche stratégique. Elle a publié chez Tallandier La Chine en 100 questions.

RFI :  Alors, la chute spectaculaire des prêts chinois aux pays africains depuis quatre ans, est-ce le signe d'un désengagement ou d'un simple changement de stratégie ?

Valérie Niquet : C'est présenté comme un changement de stratégie avec la réorientation des initiatives des routes de la soie vers des projets plus petits, moins coûteux, plus soucieux de l'environnement. Mais ça recouvre aussi une nécessité, c'est que l'économie chinoise rencontre de grandes difficultés. La Chine a besoin d'investissements, notamment pour tout ce qui concerne la prise en charge sociale sur son propre territoire. Il y a eu un gros ralentissement de la croissance chinoise qui n'est pas repartie. Elle est aujourd'hui autour de 4% à 5% par an, ce qui est très peu pour un pays comme la Chine. Et donc, il y a moins de moyens. Donc c'est un peu terminé, le temps où la Chine fournissait largement des prêts et des aides pour acheter en quelque sorte le soutien de beaucoup de pays.

Depuis un an, les Chinois subissent une déconvenue en Afrique de l'Ouest. Ils ont financé pour quatre milliards de dollars un oléoduc Niger-Bénin dans lequel le pétrole ne coule pas à cause de la crise entre les deux pays. Ils se retrouvent médiateurs, bien malgré eux, d'une crise dont ils se seraient bien passés. Est-ce que cela ne risque pas de les refroidir dans leurs projets d'investissement au Sahel et en Afrique de l’Ouest ?

Alors ce qui est certain, c'est que la Chine en Afrique, finalement, joue un rôle majeur d'un point de vue économique. En revanche, la Chine est très prudente pour tout ce qui est engagement dans les questions de sécurité en Afrique, et elle s'inquiète évidemment beaucoup de la situation au Sahel, en Afrique de l'Ouest. Et en même temps, elle n'est pas capable aujourd'hui, on parle beaucoup de la montée en puissance de la Chine, mais la Chine n'est pas capable aujourd'hui, en dépit de sa base navale à Djibouti par exemple, de jouer le rôle que ces puissances comme la France ou, d'une manière plus négative, certains groupes russes peuvent jouer dans la région. Et donc elle est plutôt spectatrice et inquiète, en effet, pour des investissements actuels ou futurs. La Chine a été aussi très active au Soudan et elle surveille de très près la situation dans les deux Soudan, où elle a aussi d'importants intérêts.

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Mais quand Niamey et Cotonou demandent à la Chine de faire médiation dans leur différend pétrolier, est-ce que cette puissance chinoise n'est pas obligée de faire de la politique malgré elle ?

Oui, elle le fait. Et c'est vrai aussi que ça flatte l'intérêt de la Chine qui se présente comme un médiateur, que ce soit là, mais on l'a vu dans d'autres circonstances, avec des accords signés à Pékin entre l'Iran et l'Arabie saoudite ou plus récemment entre Palestiniens. Donc, en fait, la Chine est intéressée à apparaître comme un acteur important qui peut jouer un rôle diplomatique sur la scène africaine. Il n'est pas certain qu'elle en soit tout à fait capable et surtout qu'elle ait envie de prendre parti pour l'un ou pour l'autre, puisqu'elle a des intérêts des deux côtés.

Mais on peut imaginer que, pendant ce sommet de Pékin, elle essaye de rapprocher les points de vue du Niger et du Bénin ?

Oui, et cinquante pays africains sont présents. Et donc Pékin, on le voit, en profite pour avoir de multiples réunions bilatérales qui permettent en effet de faire avancer des dossiers complexes.

Alors, on dit que les Chinois abandonnent les méga projets d'infrastructures, mais est-ce qu'il n'y a pas une exception pour les pays très dotés en matières premières ? Je pense par exemple à la Guinée-Conakry et à ses mines de fer de Simandou et au Congo-Kinshasa et à ses mines de cobalt…

Alors effectivement, la Chine a joué un rôle majeur dans le développement des infrastructures qui lui permettent d'avoir accès aux ressources. Et le Congo est notamment très important avec le cobalt en raison du rôle de ce minerai dans les nouvelles énergies pour l'adaptation climatique.

En 2008, Joseph Kabila a signé avec la Chine un contrat mines contre infrastructures. Mais quinze ans plus tard, l'Inspection générale des finances du Congo-Kinshasa a dénoncé « une colonisation économique inacceptable » et Félix Tshisekedi a réclamé un dédommagement de quelque vingt milliards de dollars lors d'une visite à Pékin. Est-ce qu'il n'y a pas aussi, côté congolais, des sujets de mécontentement ?

Alors du côté congolais, mais aussi dans d'autres pays où notamment la société civile et des partis d'opposition sont de plus en plus sourcilleux par rapport aux projets d'investissements chinois qui sont souvent très peu transparents. On ne sait pas très bien ce que la Chine obtient réellement en échange de ses investissements et il y a des demandes assez fortes de la part de certains secteurs, de la société civile ou de partis d'opposition pour essayer de remettre en question une relation qui est trop asymétrique entre une puissance chinoise qui fait à peu près ce qu'elle veut et des régimes qui ont parfois intérêt à coopérer avec Pékin sans poser trop de questions.

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