Les képis de la guerre froide (2)
Description
Arrivés en 1945 dans un Berlin en ruines, les gendarmes français semblaient être au départ les « parents pauvres » des Alliés, des occupants précaires, accablés par leur statut fragile. Leur mission : imposer l'ordre dans un champ de ruines, une tâche monumentale pour des vainqueurs encore marqués par le souvenir de la défaite.
Ave le blocus de 1948, un changement véritable va s'opérer dans le rôle qu'ils jouent pour la population de Berlin-Ouest. Face à l'ours soviétique, l'audace française – dynamiter des tours radio pour construire l'aéroport de Tegel – les transforma. Du jour au lendemain, les occupants mal-aimés devinrent les protecteurs acclamés de la liberté de Berlin, forgeant leur légitimité dans une épreuve du feu.
S'ensuivirent quarante années d'existence surréaliste : une « France en miniature » coupée du monde, où la routine quotidienne consistait à patrouiller une cicatrice de béton et à garder un fantôme, Rudolf Hess, seul dans la vaste prison de Spandau. C'était le théâtre de l'absurde de la guerre froide : une vie provinciale se déroulant perpétuellement au bord de l'apocalypse nucléaire.
Le 9 novembre 1989, l'Histoire fit tomber le Mur, et avec lui, toute leur raison d'être. Devenus obsolètes du jour au lendemain, ils ont terminé leur saga unique en tant que « force invitée » avant le dernier rideau en 1994. En fin de compte, leur histoire est celle d'une métamorphose inattendue : celle d'un képi français, arrivé dans la méfiance, qui est devenu un symbole discret mais tenace de la liberté sur la ligne de front la plus explosive du monde.