DiscoverLe grand invité AfriqueRDC: «Makala, ça reste cette antichambre de l'enfer où la survie est un miracle»
RDC: «Makala, ça reste cette antichambre de l'enfer où la survie est un miracle»

RDC: «Makala, ça reste cette antichambre de l'enfer où la survie est un miracle»

Update: 2024-09-04
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Que s'est-il réellement passé à Makala, la plus grande prison de Kinshasa, dans la nuit de dimanche à lundi dernier ? Par quel enchaînement tragique est-on arrivé à la mort de 129 détenus, selon la version officielle des autorités congolaises ? Le journaliste congolais Stanis Bujakera est le directeur de publication adjoint du site d'information actualité.cd. Il connait bien cette prison, puisque, vous vous souvenez, il y a été détenu pendant près de sept mois, jusqu'en mars dernier. Il y a gardé, bien sûr, quelques contacts. Il témoigne au micro de Christophe Boisbouvier.

RFI : Tout aurait commencé dans la nuit de dimanche 1ᵉʳ septembre à lundi 2 septembre vers 2 h du matin, des détenus seraient sortis du bâtiment où ils étaient enfermés. Est-ce qu'on sait pourquoi ils ont voulu en sortir ?

Stanis Bujakera : Pour le moment, il y a des évidences. Tous, et même les autorités au niveau du gouvernement, écartent de plus en plus la thèse d'une attaque extérieure. Et je parlais avec quelques prisonniers, effectivement, qui affirment que c'est quelque chose qui est parti de l'intérieur de la prison. Plusieurs de mes contacts sur place ont par exemple expliqué que les événements seraient partis du pavillon 4.

Des gens qui voulaient s'évader, à votre avis ?

Alors, nous sommes dans la nuit, il n'y a pas de courant, donc il n'y a pas d'électricité. Sous une petite pluie, vous avez des gens qui ont cassé les différentes portes des pavillons, parce qu'à ces heures-là, il faut dire que les pavillons sont totalement fermés. Et donc, est-ce qu'il faut parler d'une tentative d'évasion quand des détenus hommes sont allés au pavillon 9, le pavillon dédié aux femmes, et ils y ont pénétré, et ont violé des femmes, et certaines femmes ont même été ramenées dans certains pavillons d’hommes, d'après plusieurs témoignages ? Est-ce que vous avez vu des gens, qui veulent s'évader, aller mettre le feu au bâtiment administratif et détruire ou piller le dépôt de nourriture et tout ça ? Donc, je ne sais pas s'il faut vraiment parler de tentative d'évasion. Ça pourrait aussi peut-être être une sorte de révolte. C'est possible.

Est-ce que le pavillon 4 dont vous parlez est connu comme abritant les prisonniers les plus dangereux ?

À Makala, il y a un mélange. Ça veut dire que tous les pavillons sont des pavillons dangereux, parce que tous les prisonniers sont mélangés. Moi, j'étais au pavillon 8, mais au pavillon 8, il y avait aussi également le mélange des profils. Donc Makala, ça reste cette antichambre de l'enfer où la survie est un miracle. Et puis, il ne faut pas oublier que, dans les 15 000 détenus de Makala, seulement près de 4 000 sont condamnés. Les autres non, et les autres attendent des décisions de justice des années et des années. Heureusement, je veux aussi informer les auditeurs de RFI que Damas Ngoy Kumbu, dont le cas a été soulevé dans ma précédente interview, a réussi finalement à sortir de prison après 21 ans de détention préventive.

Oui, on se rappelle, il y a six mois, vous nous aviez annoncé que vous aviez croisé à Makala Kumbu Ngoy Damas, un prisonnier jamais condamné qui était prévenu sans jugement depuis 21 ans entre les murs de Makala. Tout le monde s'était ému de son sort. Et là, vous nous apprenez qu'il a finalement été libéré il y a quelques jours. C'est sans doute grâce à vous… Le 2 septembre, les premières bousculades commencent à 2 h du matin, mais il semble que les forces de sécurité ne soient intervenues qu'à 5 h du matin. Est-ce que vous confirmez ces trois heures de flottement ?

En effet, en cas de pareille circonstance, il y a toujours un renfort qui arrive. Mais ces renforts-là n'arrivent pas de sitôt. Et quand les militaires sont arrivés très tôt le matin, ils ont fait ce qu'ils appellent les ratissages. C'est la preuve également qu'il y avait beaucoup de personnes qui avaient quitté leur pavillon ou qui tentaient de quitter leur pavillon. Mais je sais par exemple que les gens du pavillon 8, leur pavillon également, était ouvert, mais ils n'en sont pas sortis, parce que sortir de son pavillon à ces heures-là, beaucoup d’entre eux savaient qu'ils s'exposeraient aux tirs de l'armée. Et voilà la situation.

Le pavillon 8 dont personne n'est sorti, c'est le pavillon où vous étiez vous-même. C'est le pavillon où se trouve l'opposant politique Jean-Marc Kabund, de l’Alliance pour le Changement. Et d'après vos informations, personne n'a pris le risque de sortir de ce pavillon cette nuit-là ?

Non, Kabund et tous les détenus de ces pavillons sont sains et saufs. Mais ils sont traumatisés, comme tous les autres, parce que ça tirait même jusqu'à ce mardi dans la soirée. J'ai appris la nouvelle que ça a continué de tirer parce que l'armée faisait ce qu’elles appellent un ratissage. Et donc Kabund, il est là avec tous les autres détenus. Je reçois de ses nouvelles, il reste brave, il reste debout, il tient. Il est prêt à poursuivre son combat jusqu'au bout. Il lui reste encore cinq ans à faire s'il ne bénéficie pas d'une mesure de grâce. Mais il est capable, selon son propre témoignage, à faire face à cette épreuve.

Sur les 129 personnes officiellement mortes dans cette nuit tragique de dimanche à lundi, 24 seraient mortes par balles et les autres seraient mortes par étouffement ou piétinement. Est-ce que vous croyez à cette version officielle ?

Il faisait noir sous une pluie. Je pense que beaucoup de gens se sont marchés dessus. Donc, je ne pense pas qu'il faille exclure le fait qu'il y ait certains morts par étouffement au regard de la surpopulation de la prison.

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