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Artificialisation des sols : et si on arrêtait de bétonner ?

Artificialisation des sols : et si on arrêtait de bétonner ?

Update: 2023-09-08
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L'urbanisation s'accélère, entraînant la destruction d'espaces naturels. Ces derniers sont pourtant indispensables à notre bien-être et à notre survie. Comment réconcilier nature et ville ? “Élément Terre” s’intéresse aux nouveaux modèles d'aménagement du territoire, plus respectueux de l'environnement. 

À 25 kilomètres au sud-ouest de Paris, l'urbanisation se développe à un rythme effréné. Gares, logements, universités et grandes écoles s'installent dans la région, modifiant le paysage. Cette urbanisation inquiète certains habitants, qui se mobilisent contre la construction d'un métro, qui passera bientôt à travers champs. 

Selon Isabelle Goldringer, chercheuse à l'INRAE et membre du Collectif contre la ligne 18, ces terres sont d'une grande qualité. "Ce sont des terres profondes et fertiles qui permettent aux agriculteurs d'obtenir des rendements parmi les meilleurs de France et d'Europe du Nord", explique-t-elle. 

Les militants avaient installé une ZAD, zone à défendre, pour protester contre le projet. Elle a été démontée depuis. "C'est le cheval de Troie de l'urbanisation", estime Isabelle Goldringer. "Cette ligne rentre dans les champs. Elle les coupe en deux et va amener avec elle une urbanisation grandissante." 

ZAN, zéro artificialisation nette 

Ce cas est un exemple parmi d’autres de l’accélération de l'urbanisation au détriment de la nature, notamment en Europe. En France, par exemple, 20 000 hectares de terres ont été artificialisées en 10 ans (2006-2017). À ce rythme, l'étalement urbain pourrait grignoter l'équivalent de 30 fois la surface de Paris d'ici 2030, soit 280 000 hectares. 

Ces terres sont pourtant essentielles à la biodiversité, protègent contre l'érosion et sont de vrais puits de carbone. Selon les scientifiques, l'artificialisation est l’un des principaux facteurs du changement climatique et de la perte de biodiversité.  

Pour limiter l'artificialisation, la France a adopté l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) d'ici 2050. Cela signifie que pour chaque hectare de terre artificialisé, un hectare doit être restauré. Les villes doivent donc trouver un équilibre entre croissance économique et protection de l'environnement.  

Le secteur du BTP impacté 

À Heudebouville, près de Rouen, en Normandie, le chantier d'un nouveau quartier est en cours de finition. Les ouvriers s'affairent à poser les dernières pierres des maisons, pendant que d’autres tondent la pelouse autour des futurs arbres fruitiers. 

"Ici, c'est l'exemple type d'une urbanisation vertueuse", promet François Rieussec, président de l'Union Nationale des Aménageurs. "On a artificialisé d’un côté, certes, parce qu’on a effectivement mis du goudron et un sol bâti, mais par ailleurs, on a un sol naturel qui est conservé et amélioré. La canopée sera de plus de 50 %, soit une température de moins 6 °C à moins 8 °C l’été. Il y aura également de l’agriculture urbaine à travers un verger. Et donc, on a un bilan avant après qui est meilleur." 

Cependant, François Rieussec regrette que la loi ZAN ne tienne pas compte de la performance environnementale des projets. D’autant que la France a besoin de 400 000 logements neufs par an, souligne-t-il, ce qui va mécaniquement faire monter les prix du foncier. Une mauvaise affaire pour le secteur du BTP, dont le développement est freiné par cette loi de protection de la nature et de la biodiversité. 

Le sol, un allié à préserver 

Pendant longtemps, les villes ont considéré les sols comme un simple support pour la construction. Mais aujourd'hui, elles commencent à s'intéresser à leurs qualités. Le Cerema, un organisme public, accompagne les territoires et les acteurs du bâtiment pour penser et mettre en œuvre la construction neuve et le bâti existant, en lien avec les objectifs de transition écologique.  

Sur le terrain pilote de Trappes, dans les Yvelines Philippe Branchu, chercheur eau et sols au Cerema, ausculte la terre, au fond d’un trou de deux mètres de profondeur. "Nous, on milite pour que le sol soit de plus en plus considéré", explique-t-il. "L’objectif est de faire comprendre et de faire prendre conscience aux citoyens, mais aussi aux élus, que les sols ont une qualité et qu’il faut qu’ils soient préservés et gérés." 

Sur la zone test, deux fosses ont été creusées : l'une dans un environnement naturel, l'autre goudronnée. Le résultat est clair : "Quand on a un sol imperméabilisé par la création, par exemple, d’un trottoir ou d’une route, on a enlevé toute une partie du sol pour ramener des matériaux qui n’ont rien à faire dans un sol, c’est-à-dire de grosses pierres, du sable, de l’enrobé et qui vont arriver à sceller le sol, qui ne peut plus respirer. La vie ne peut donc plus s’y développer", constate le chercheur. L’idée derrière tout cela est de montrer qu’il n’y a pas un sol, mais des sols. Certains sont déjà dégradés, on peut donc construire dessus. En revanche, d’autres, en bonne santé, sont à préserver. 

Bétonner moins, construire mieux 

Stéphane Raffalli, maire de Ris-Orangis, une ville de 30 000 habitants en région parisienne, veut montrer qu'il est possible de construire sans bétonner inconsidérément. La ville a décidé de se servir des sols pour construire de nouveaux logements, tout en préservant les sols. Un exemple concret de cette politique est l'éco-quartier construit sur une ancienne friche militaire. La terre était déjà artificialisée, le quartier a donc été simplement transformé. Aujourd’hui, les 2 500 habitants ont investi les lieux, d’anciens bâtiments en brique, industriels. 

Les terres agricoles de la commune sont donc préservées, notamment les jardins familiaux : 250 parcelles sur sept hectares pour faire revenir la nature en ville. Une politique innovante, même si Stéphane Raffalli est partagé sur la loi ZAN. "Beaucoup d’élus ont le vertige depuis la loi climat résilience pour une raison assez simple : le ZAN n’est pas financé", relate-t-il. "Si nous avions soit des subventions, soit une fiscalité dédiée au ZAN, alors il est probable que les élus respecteraient sans difficulté cette trajectoire écologique".

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