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Polluants éternels : partout et pour toujours

Polluants éternels : partout et pour toujours

Update: 2023-04-21
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La contamination aux PFAS – ou polluants dits "éternels" – est un phénomène dont on ne connaît pas encore l’ampleur. Ces substances chimiques toxiques sont pratiquement indestructibles. Comment faire pour s’en débarrasser ? Peut-on nettoyer les sols contaminés ? La tâche s’annonce immense.

3M, un scandale environnemental sans précédent en Belgique

Direction Zwijndrecht, juste à côté d’Anvers, en Belgique. Pendant 50 ans, les terres de ce village ont été hautement contaminées par le géant américain 3M. Des PFAS ont été découverts lors de travaux gigantesques pour relier les deux rives du fleuve et boucler le "ring", sorte de périphérique de la ville. Un scandale d’ampleur dans le pays, dont Thomas Goorden, consultant en environnement, est l'un des lanceurs d’alerte. "C’est un peu comme une marée noire, mais qui s’étend sur 50 ans", ironise-t-il, ajoutant que "le gouvernement était tout à fait conscient de la pollution aux PFAS. Mais ça n’est devenu un véritable problème pour eux que lorsqu'ils ont réalisé qu’ils devaient creuser un tunnel en plein milieu de la zone".

Le lanceur d'alerte nous emmène à la rencontre d’Eduard, retraité, qui travaille dans son potager ce jour-là. Lui et son épouse font partie de ceux dont le sang a été prélevé pour tester la présence de PFAS. "Les taux retrouvés dans notre sang sont extrêmement élevés et nous ne savons pas quelles conséquences cela aura plus tard. Mes enfants ne veulent plus manger de légumes, plus d'œufs et je ne cuisine plus", se désole le retraité. Lui ne croit pas à une quelconque dépollution. "Ils ont beau dire qu’ils réparent les dégâts, ils ont beau nettoyer le sol, ils ne nous écoutent pas", conclut-il la mâchoire serrée. L'entreprise chimique s’est engagée à verser 571 millions d'euros en juillet 2022 pour l’assainissement du site.

Une enquête européenne

L’Agence européenne des produits chimiques recense au moins 10 000 "polluants éternels". Leur particularité tient à la chaîne d’atomes de carbone et de fluor que les PFAS contiennent, une liaison chimique quasi indestructible. Pour l’industrie, ce sont des substances idéales, résistantes à l’eau et à la chaleur. Elles sont donc omniprésentes dans nos quotidiens : poêles anti-adhésives, emballages alimentaires, mousses anti-incendie, imperméables et même papier toilette. C’est pourtant cette résistance qui rend les PFAS si dangereuses pour la santé et l'environnement. Une fois les produits chimiques libérés dans la nature, par les usines qui les produisent ou les utilisent, ils s’infiltrent dans les sols, l’eau et ne se décomposent pas naturellement.

Les grands producteurs de PFAS, comme Chemours, 3M ou Solvay, assurent tout faire pour limiter les rejets dans l’environnement. Si rien n’est fait, près de 4,5 millions de tonnes de PFAS finiront dans l'environnement dans les 30 prochaines années. Où et en quelles quantités ? Un collectif de journalistes de 17 médias dans 13 pays ont voulu le savoir. Grâce à leur travail titanesque, le "Forever Pollution Project", une carte inédite de la contamination, avérée et présumée, a été mise au point. Stéphane Horel est journaliste d’investigation au journal Le Monde, très active dans le collectif. "Le résultat est assez spectaculaire, dans le sens où il y a très peu d’endroits (sur la carte, NDLR) qui sont épargnés par cette pollution", explique la journaliste, encore sous le choc des découvertes. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 17 000 sites de contamination détectés, 21 000 autres présumés. "On sait parfaitement que c’est largement sous-estimé", développe-t-elle, tout en pointant les "hotspots", les endroits où les taux dépassent 100 ng par litre ou par kilo. On y retrouve bien sûr le site de 3M en Belgique. "Dans ces zones, il devrait y avoir une intervention des pouvoirs publics assez urgente", s’insurge la journaliste, qui rappelle qu’aucune réglementation ne limite cette pollution. 

>> À lire aussi : Haro sur les PFAS, ces "polluants éternels" et omniprésents

PFAS, ces perturbateurs endocriniens

Quel effet ces substances peuvent-elles avoir sur la santé ? Francesca Mancini, épidémiologiste à l’INSERM, y consacre ses recherches. Elle a recruté 100 000 femmes entre 40 et 65 ans en 1990 et continue à les suivre. On le sait, les PFAS sont dangereux pour la santé, 80 à 90% de l’exposition d’une personne se faisant par l’alimentation mais aussi par  l’eau. "Les PFAS sont considérés comme des perturbateurs endocriniens ce qui veut dire qu’ils impactent et perturbent l’activité des hormones au niveau de l’organisme", précise la chercheuse. "Les preuves les plus solides que l’on a actuellement sont la relation entre l’exposition aux PFAS et la réponse immunitaire, notamment celle des enfants vis-à-vis des vaccins." Plus un enfant est exposé aux PFAS, moins la protection liée à un vaccin sera efficace.

D’autres études montrent également une relation potentielle entre l’exposition aux PFAS et certains cancers, notamment hormonodépendants – le cancer du testicule et le cancer du sein. Au fil des années, les chercheurs européens, qui courent après l’industrie, ont réussi à faire interdire plusieurs types de PFAS comme les PFOS ou les PFOA. "Le but final de notre recherche est de contribuer à générer des preuves scientifiques suffisamment solides pour convaincre les décideurs publics de prendre des mesures et pour arriver à étendre l’interdiction à plusieurs molécules qui font partie de la même famille", conclut Francesca Mancini.

Comment décontaminer l’eau ?

En Belgique, près d’Anvers, un banal chantier de voirie est directement impacté par la pollution créée par 3M en un demi-siècle. Pour les travaux, l’entreprise de BTP doit pomper dans la nappe phréatique. Habituellement, cette eau serait ensuite relarguée dans le réseau classique. Mais ici, elle doit impérativement être traitée au préalable. L’entreprise Colas Environnement gère ce chantier d’un nouveau genre. L’eau est envoyée dans de grandes cuves, puis elle passe dans des filtres à charbon actif, matériau identifié comme étant capables de retenir les PFAS. Ces filtres vont capter les polluants organiques, et notamment les PFAS. Le charbon usé et les polluants qu’il contient sont envoyés en destruction, en incinération. Ce n'est pourtant pas une solution pérenne sur le long terme. "Le charbon actif va capter les polluants, mais il ne va pas les détruire", explique Arnault Perrault, directeur de Colas Environnement. L'eau qui continuera à s'infiltrer à nouveau dans la nappe sera à son tour contaminée par le sol qui regorge de PFAS. "Si on voulait faire un chantier de dépollution, il faudrait pouvoir traiter les polluants directement à la source, directement dans le sous-sol ", nuance Arnault Perrault. "Malheureusement, les techniques disponibles actuellement ne fonctionnent pas sur les PFAS puisqu’ils portent bien leur nom de polluants éternels". 

L’immense travail de remédiation de la terre

Pour trouver des solutions pérennes, Colas Environnement a formé un

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