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Des microplastiques dans vos salades

Des microplastiques dans vos salades

Update: 2023-05-19
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Pas un territoire n’échappe à la contamination. Des microplastiques ont infiltré les sols agricoles et donc potentiellement ce que nous mangeons. Depuis peu, aux Pays-Bas, des chercheurs étudient l’ampleur du phénomène. Et pour l’instant, ils ont plus de questions que de réponses.

Guusta Noordam est productrice d’asperges, à Woubrugge aux Pays-Bas. Penchée sur les petits monticules de terre qui renferment ces plantes vivaces, prisées des Néérlandais, elle récolte. Chaque année, sa ferme produit 21 tonnes. Pour cela, il y a un élément indispensable : les bâches en plastique qui recouvrent ses champs et gardent les asperges à l'obscurité. "C'est nécessaire pour que les asperges soient bien blanches. Dès qu’une asperge est au soleil, elle devient un peu violette, rose et ensuite verte. C’est la chlorophylle qui la rend verte", explique Guusta. Les bâches réversibles lui permettent de refroidir les buttes côté blanc, de les réchauffer côté noir. "On aurait du mal à faire notre métier sans film plastique. On devrait récolter les asperges deux fois par jour. Il nous faudrait plus d’employésé, reconnaît l’agricultrice. "À ma connaissance, il n'existe pas d’alternative aux films plastique aujourd'hui, mais s'il existait une bonne alternative, avec les mêmes résultats, on serait heureux de l'utiliser".

D'où vient tout ce microplastique ?

Le plastique s'est infiltré dans tous les aspects de nos vies, y compris dans nos champs. Il est utilisé à grande échelle dans l'agriculture pour concevoir des serres, des films ou des bâches au sol. Il enrobe aussi certains engrais, pesticides ou semences. Le plastique permet donc d’améliorer les rendements agricoles. Mais en se décomposant en fragments microscopiques, il contamine les sols, leur vie et leur santé. Et ce n'est pas tout. Ajoutez les boues d’épandage, un sous-produit qui ressort des stations d’épuration, utilisées dans les champs comme engrais. 

Elles contiennent aussi des milliards de microplastiques, qui se retrouvent dans les champs. À l'échelle mondiale, le stock de microplastiques dans les sols agricoles pourrait représenter de 1,5 à 6,6 millions de tonnes. Les champs européens pourraient constituer le plus grand réservoir mondial de microplastiques, davantage qu’à la surface des océans

Plus de questions que de réponses

En Europe, le projet Minagris a pour ambition de quantifier la contamination des sols agricoles par les microplastiques. "Quand on commence une étude sur la contamination plastique, on ne se demande pas si on va trouver du plastique, mais combien on va en trouver", reconnaît Nicolas Bériot, chercheur à l’université de Wageningen. Ces plastiques contiennent des additifs, qui sont tous des contaminants potentiels des sols et de l'eau, où ils s’infiltrent. "Le problème du plastique dans le sol, c'est qu’il n’y reste pas forcément. Il fuit dans l’eau, dans les systèmes aquatiques”, explique Nicolas Bériot. Et le chercheur de reconnaître : "Analyser ce que contient le plastique, c’est une chose. Comprendre les effets de ce plastique, c’en est une autre".

À l’Université de Wageningen, les scientifiques cherchent à répondre à une question : quel est l’effet de ce plastique sur le sol, les plantes mais aussi les organismes vivants ? Avec sa collègue, Nicolas Bériot observe les vers de terre exposés aux microplastiques dans des aquariums. Les recherches débutent seulement, avec une certitude : avec de fortes concentrations en microplastiques, il y aura bien des effets négatifs. Mais avec la concentration que l’on retrouve aujourd'hui dans les champs, "nous ne savons pas. Il y a tant de questions en suspens, auxquelles nous essayons de répondre, pour comprendre ce qui se passe", avoue Nicolas Bériot.

Des plastiques dans les racines des salades

Quid de la nourriture produite dans les champs contaminés par les microplastiques ? Qu’est-ce qui reste dans le sol ? Qu’est-ce qui finit dans les aliments? C’est le domaine de recherche de Willie Peijnenburg, à l’université de Leiden, avec un légume de choix, largement consommé : la salade. "La racine d’une salade forme des racines latérales plus petites. Et quand cela se produit, un petit espace se crée. C'est par là que les microplastiques pénètrent dans la plante. Ils sont ensuite absorbés et transportés vers la partie supérieure de la laitue", explique le chercheur, "c'est comme ça qu'on les retrouve dans la laitue que vous mangez tous les jours".

En guise de cobaye, le laboratoire utilise des escargots, nourris avec cette salade. Les chercheurs en tirent une conclusion plutôt rassurante : seulement 0,1% du microplastique se retrouve dans les feuilles de la plante. "Le plastique s'accumule bien dans les escargots, mais sans avoir d'effet sur les escargots", se réjouit Willie. Et sur la plante elle-même ? Les fragments de plastique perturbent-ils sa croissance ? Blé et salade ne réagissent pas de la même façon. "Dans un cas, (le blé, NDLR), nous voyons une baisse de la terminaison de la plante de 5 à 20%, en fonction de la concentration en microplastique utilisée. Dans l'autre cas, sur la salade, la plante n'est pas endommagée par la présence de microplastiques".

La question cruciale, à savoir l’impact sur l’être humain, reste, elle,entière. "Nous ne savons pas. Nous savons qu'ils s'accumulent dans nos corps, mais il n'existe aucune recherche sur la toxicité des microplastiques que l'homme ingère", déplore le chercheur. Un champ de recherche en plein développement.

Remplacer le plastique par des alternatives végétales

Remplacer les bâches plastiques ne sera pas chose facile. C’est une matière bon marché et les agriculteurs craignent que les rendements baissent. En France, en Bourgogne, on teste  actuellement une alternative naturelle à base de plantes, avec des résultats encourageants : la toile de chanvre. Comme les bâches plastique, elle limite les mauvaises herbes et protège du soleil. Mais ses atouts sont ailleurs : un effet buvard qui conserve l’eau et surtout une dégradation naturelle sans microfragments dans le sol.

"L’usage des toiles végétales permet de se rendre compte qu’on a des vraies solutions pour remplacer les plastiques", explique Frédéric Roure, le président de Géochanvre, un fabricant de toiles de chanvre à partir de fibres sourcées localement. Le développement en masse de ces toiles idéales pour le maraîchage est pour l’instant limité par la loi des marchés. Elles sont bien plus chères que les toiles en plastique. "Ce qui est évident, c'est que quand un agriculteur comprendra qu’il empoisonne ses petits-enfants à faire des légumes contaminés, la question se posera plus rapidement", milite Frédéric Roure. Lin, oléagineux ou ortie : les possibilités de faire du paillage agricole "comme les anciens" sont multiples. Une façon de retrouver une fertilité et une vie du sol avec les fibres naturelles, dans ce plastique que l'on ne peut pas éliminer.

 

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