À la Une: la révolte de la boue…
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Les photos ont fait le tour du monde. Le roi d’Espagne Felipe VI, la reine Letizia et le Premier ministre, pris à partie, conspués, traités de meurtriers, obligés de s’abriter sous des parapluies pour éviter la boue lancée par la foule en colère.
« Du jamais vu depuis la restauration de la monarchie », s’exclame El Pais à Madrid. Et pourtant, souligne le journal, « l’indignation était palpable. Était-ce si difficile de capter ce sentiment ? Qui a pu penser que le couple royal, le Premier ministre Carlos Sánchez et le président de la région de Valence, Carlos Mazón, pouvaient visiter sereinement cette ville de Paiporta, épicentre de la catastrophe, qui a causé au moins 70 morts dans cette municipalité de la périphérie de Valence ? »
« Cette visite sur le terrain était une erreur absolue, renchérit El Diaro. Une déclaration officielle du roi depuis le centre d’urgence aurait été préférable, expliquant qu’il n’irait pas à Paiporta pour ne pas interrompre les opérations de sauvetage. »
Et résultat : « La révolte de la boue », titre La Repubblica à Rome.
« C’est violent un peuple en colère… »
« Pourquoi un tel flot de haine ?, s’interroge pour sa part Libération à Paris. Protégé par sa garde rapprochée, Felipe VI entame une conversation avec des jeunes fous de rage. L’un d’eux : "On savait que tout cela allait arriver, et rien n’a été fait pour l’éviter." La reine Letizia, ex-journaliste roturière, veut, elle aussi, comprendre : elle se répand en embrassades avec des femmes désemparées, son visage et ses mains peu à peu maculés de boue. Au final, des gros bras l’obligent à remonter dans la voiture de fonction, tout comme Felipe VI. Le lynchage n’a pas eu lieu. »Et Libération de conclure :« C’est violent, un peuple en colère, lorsqu’on s’en approche de si près. »
On revient à El Pais qui relève que certes, « les ravages de ce phénomène climatique le plus meurtrier de ce siècle en Espagne se dissiperont peu à peu, mais ce qu’il laissera dans son sillage – la tragédie des vies perdues, les dégâts matériels et le traumatisme des citoyens – durera de nombreuses années. Les témoignages déchirants des habitants, les photos et les images télévisées ont laissé le pays tout entier bouleversé et stupéfait qu’une catastrophe de cette ampleur ait pu se produire en Espagne, avec plus de 200 morts et des dizaines de disparus. Cinq jours après, nous ne connaissons toujours pas le bilan exact du drame. Le nombre de personnes disparues reste un mystère. »
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Combien de morts ?
En effet, le bilan officiel est de 217 morts, mais il est très certainement beaucoup plus lourd. Il pourrait être… dix fois plus élevé… « Des dizaines, voire des centaines de personnes restent disparues, pointe Le Monde à Paris. Une liste provisoire de 1 900 appels concernant de possibles disparus n’a pas encore été mise à jour, un chiffre démenti par le gouvernement valencien, qui refuse de donner un bilan des disparus. Des garages et sous-sols encore inaccessibles renferment sans doute de nombreux corps sans vie. »
Repenser l’urbanisme…
Que faire pour éviter qu’une telle catastrophe se reproduise ? il faut « repenser l’urbanisme du littoral espagnol », pointe Le Temps à Genève. En effet, « l’Espagne a construit ses villes du littoral sur des zones normalement censées absorber un afflux important d’eau, en provenance notamment des montagnes alentour. (…) Le mal principal est que, depuis des décennies, les plans d’urbanisme ont été gourmands, sans jamais tenir compte des eaux de tempête lorsqu’elles se produisent. On a construit beaucoup, beaucoup trop. »
Alors, poursuit Le Temps, « étant donné que, le plus souvent, les crues se forment en amont, la clé est de réguler les eaux plusieurs kilomètres avant qu’elles ne pénètrent en zone urbanisée. Une grande partie des dommages sont dus à la boue et à des éléments solides venus des collines et des montagnes. Il faut donc lutter contre l’érosion, en reforestant massivement et aussi en créant des lagunes temporaires ou autres espaces verts ayant la vertu de réduire le débit. C’est ce qui a été fait à Saragosse, relève encore le quotidien suisse, où après les crues de l’Ebre en 2015, un "parc d’eau" permet désormais d’absorber préalablement les possibles débordements. L’idée générale est de multiplier les aménagements des lits des ramblas – mini-barrages, zones de déviation, bassins d’évacuation… –, autant de systèmes qui permettraient de diminuer considérablement le volume des eaux sur les villes. »